Qu’attendent les Palestiniens de la communauté internationale ?
Le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas (à gauche) et le président américain Donald Trump se serrent la main avant une réunion au Palace Hotel de New York, le 20 septembre 2017, pendant la 72ème assemblée Générale des Nations Unies. (Photo BRENDAN SMIALOWSKI AFP/Getty images)
Dr. Haidar Eid
21 novembre 2108
Deux jours avant la dernière attaque criminelle d’Israël sur la Bande de Gaza, j’ai écrit un article dans lequel j’ai essayé d’expliquer exactement ce que les Palestiniens, et particulièrement ceux de Gaza, attendent de la communauté internationale. J’expliquais que, alors que nous nous engageons dans notre propre longue marche vers la liberté, nous en sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvons plus nous fier aux gouvernements et que seule la société civile est capable de se mobiliser pour faire appliquer le droit international et mettre fin à l’impunité sans précédent d’Israël.
Nous nous inspirons du mouvement anti-apartheid. L’intervention de la société civile a été efficace à la fin des années 1980 contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud blanche, et elle peut faire la même chose en soutenant une paix juste en Palestine. Rien ne peut réellement obliger Israël à se soumettre au droit international, sauf les gens de conscience et la société civile.
J’ai aussi expliqué que, sans l’intervention de la communauté internationale qui a été efficace contre l’apartheid en Afrique du Sud, Israël continuera à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. C’est exactement ce qui est arrivé seulement deux jours après avoir écrit cet article, lorsque l’Israël d’apartheid a lancé une attaque massive, violant – comme il l’a fait en 2009, 2012 et 2014 – un cessez-le-feu non déclaré négocié entre l’Egypte et les groupes de résistance palestiniens de Gaza.
En fait, nous à Gaza ne sommes plus intéressés par l’opposition stérile au processus de normalisation initié par le Traité de Camp David et les Accords d’Oslo et figé par les Cheikats du Golfe. Nous sommes plutôt enthousiastes à l’idée de formuler le genre de réponse qui pourrait réellement vaincre le système complètement épuisé de l’oppression sioniste : occupation, nettoyage ethnique et apartheid. Au moment où la communauté internationale – société civile et gouvernements – décidera d’agir dans le même sens, ce qu’elle a fait contre le système d’apartheid en Afrique du Sud, Israël succombera à la voix de la raison représentée par l’appel de 2005 au Boycott Désinvestissement et Sanctions (BDS) lancé par plus de 170 organisations de la société civile et auquel ont souscrit presque toutes les forces politiques influentes de la Palestine historique et de la Diaspora.
La question urgente, alors, c’est combien de temps le monde tolérera-t-il le racisme constitutionnel éhonté d’Israël ? Nous savons fort bien qu’il a fallu trente ans pour que la communauté internationale tienne compte de l’appel lancé par le peuple opprimé d’Afrique du Sud. Combien de temps le peuple opprimé de Palestine devra-t-il attendre ?
Les derniers succès de BDS sont ce à quoi nous avons appelé depuis 2005. C’est dur pour les Palestiniens de la Bande de Gaza de comprendre comment, malgré la politique de nettoyage ethnique d’Israël et les derniers crimes de guerre commis contre nous ; malgré les crimes de guerre continus rapportés par les principales organisations de défense des droits de l’Homme ; et la colonisation et l’apartheid israéliens, pour certaines honorables sociétés et institutions internationales, l’idée que « les affaires sont les affaires » perdure avec Israël.
N’est-ce pas clair comme de l’eau de roche pour ces sociétés, après toutes ces années et les milliers de rapports des organes traditionnels de défense des droits de l’Homme, que l’on nie à des millions de Palestiniens leurs droits fondamentaux à l’éducation, à la liberté de circulation, à l’emploi et à la santé ? Nous sommes privés d’une vie normale à cause de plus de 600 checkpoints militaires israéliens, du siège médiéval de Gaza et de l’apartheid discriminatoire officiel auquel font face les citoyens palestiniens en Israël même. Pour le dire crûment, nous subissons cette discrimination parce que nous ne sommes pas Juifs, exactement comme les Sud Africains noirs ont subi la discrimination simplement parce qu’ils n’étaient pas blancs.
Le vent tourne : Israël est en train de perdre sur deux fronts
Des milliers de Palestiniens sont dans les prisons israéliennes après avoir été condamnés par des tribunaux militaires ; des centaines d’entre eux sont détenus sans charges ni procès. Toutes les organisations internationales dignes de foi de défense des droits de l’Homme ont rapporté en détail comment les forces israéliennes ont délibérément ciblé des étudiants et des institutions éducatives palestiniennes, y compris les écoles gérées par l’ONU. Universitaires et chercheurs ne devraient-ils pas très bien connaître ce genre de rapports ?
Nous pensons que c’est notre droit d’attendre des gens de conscience qu’ils nous rejoignent dans notre lutte contre l’apartheid d’Israël en boycottant ce régime raciste et militarisé et les institutions qui lui permettent de se développer. Les Palestiniens sont un peuple opprimé et sans Etat. Nous nous fions de plus en plus au droit international et à la solidarité pour notre survie elle même.
Ce que nous voulons par conséquent, c’est l’application du droit international pour mettre fin à l’occupation armée d’Israël sur les terres arabes occupées en 1967 ; la lutte contre la colonisation et l’apartheid israéliens tels qu’enchâssés dans ses lois ciblant la population indigène de Palestine depuis 1948 ; et l’autorisation du retour légitime des réfugiés palestiniens victimes d’un nettoyage ethnique quand Israël a été créé sur leur terre. S’agit-il là d’un appel à mettre fin à l’Etat d’Israël ? Le boycott de l’apartheid signifiait-il la fin de l’Afrique du Sud en tant que pays, ou la fin du racisme d’État sous sa forme la plus laide ?
Les Nations Arabes ne pourraient pas moins se soucier de la Palestine – BD [CarlosLatuff/MiddleEastMonitor]
Israël est un Etat colonialiste de peuplement et d’apartheid et les outils qui ont servi contre d’Afrique du Sud d’apartheid peuvent servir de modèle à notre lutte contre l’Israël d’apartheid. Transformer Israël d’État ethno-religieux et d’apartheid en entité authentiquement démocratique devrait être l’objectif de toute personne qui croit à une démocratie généreuse.
Sous la pression imposée par la communauté internationale grâce à la campagne BDS selon les modalités de la Campagne Anti-Apartheid qui a mis fin à l’Afrique du Sud raciste, nous pensons qu’on peut persuader Israël de se débarrasser de ses structures d’oppression. Ce dont nous avons urgemment besoin, c’est d’un embargo sur les armes avec Israël pour mettre un arrêt à ses fréquents bains de sang à Gaza.
Le but de la campagne BDS c’est de restaurer les droits démocratiques du peuple palestinien. Nous pensons que les luttes du peuple palestinien en Israël même, dans les territoires occupés depuis 1967 – la Cisjordanie, la Bande Gaza et Jérusalem Est – ainsi que dans la Diaspora sont inséparables. C’est pourquoi nous croyons que l’alternative, une approche fondée sur les droits au lieu de la façade de « paix » d’Oslo fondée sur la normalisation, peut apporter à tous les Palestiniens une solution qui garantisse la paix avec la justice, c’est-à-dire le droit au retour et l’égalité.
Les idées exprimées dans cet article appartiennent à l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale du Middle East Monitor.
Traduction : J. Ch. pour la Campagne BDS France Montpellier