La proposition de Trump sur Gaza rejetée par ses alliés et condamnée en tant que plan de nettoyage ethnique

Le Président des États-Unis a suggéré que les Palestiniens devraient quitter Gaza pour des pays voisins afin de « simplement nettoyer » la Bande de Gaza toute entière 

Emma Graham-Harrison à Jérusalem

Dimanche 26 janvier 2025 20.02 CET

La proposition de Donald Trump qu’un grand nombre de Palestiniens devraient quitter Gaza pour « simplement nettoyer » la Bande entière a été rejetée par les alliés des États-Unis dans la région et attaquée comme dangereuse, illégale et impraticable par des avocats et des militants. 

 

Le Président des États-Unis a dit qu’il aimerait que des centaines de milliers de personnes partent vers des pays voisins, soit « temporairement soit peut-être à long terme ». Les destinations pourraient inclure la Jordanie, qui héberge déjà plus de 2,7 millions de réfugiés palestiniens, et l’Égypte, a-t-il ajouté.

 

« Je préférerais m’engager avec certaines des nations arabes et construire des logements dans un lieu différent où ils peuvent peut-être vivre en paix pour changer », a dit Trump à des reporters sur Air Force One. « Vous parlez probablement d’environ un million et demi de personnes et nous nettoyons simplement tout cela et nous disons : ‘Vous savez, c’est terminé’. »

La population de Gaza avant la guerre était de 2, 3 millions de personnes. La Jordanie et l’Égypte ont toutes deux indiqué clairement qu’elles ne prendraient pas de réfugiés de Gaza. Dimanche, le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a dit que le rejet par son pays de tout transfert des Palestiniens était « ferme et inébranlable ». 

À l’intérieur de Gaza, il y a peu de signe que les gens qui ont enduré plus de 15 mois de combat veuillent partir de manière permanente et en grand nombre si le cessez-le-feu actuel se maintient. Le déplacement forcé des résidents serait un crime de guerre.

Dimanche, des milliers d’entre eux ont surgi aux checkpoints militaires israéliens, espérant retourner dans leurs maisons dans le nord, selon les termes d’un accord de cessez-le-feu temporaire. Israël a refusé de les laisser passer, accusant le Hamas de violer les termes de l’accord. 

« ‘Nettoyer’ Gaza immédiatement après la guerre serait en fait une continuation de la guerre par le nettoyage ethnique du peuple palestinien », a dit Hassan Jabareen, le directeur du groupe de défense des droits palestiniens Adalah.

Il leur serait difficile d’avoir confiance dans une offre quelconque de transfert temporaire hors de Gaza pour permettre la reconstruction, étant donné l’histoire de leurs déplacements répétés, à commencer par la Nakba, ou catastrophe, de 1948, au cours de laquelle environ 700000 Palestiniens ont été expulsés de leur patrie après la création d’Israël. À l’époque, beaucoup pensaient qu’ils partaient seulement temporairement et pendant des décennies ils ont conservé les clés des maisons qu’ils espéraient récupérer.

 

Omer Shatz, enseignant en droit international à Sciences Po Paris et conseiller de la Cour pénale internationale (CPI), a dit que les commentaires de Trump étaient « un appel à un nettoyage ethnique » qui faisait écho aux appels des personnalités et des politiciens israéliens extrémistes à partir du début de la guerre.

« Nous sommes témoins de la suite extrêmement dangereuse, mais naturelle, de la déshumanisation et des appels génocidaires que nous avons entendus des voix les plus extrêmes à l’intérieur d’Israël », a-t-il dit.

En décembre, Shatz a détaillé les présomptions d’incitations au génocide de huit personnalités et responsables israéliens dans un dossier historique déposé devant la CPI. « Cela est démontré par le fait que personne ne prend en compte ce que les Gazaouis veulent, alors qu’ils ont à peine commencé à nettoyer les décombres, découvrant les restes de leurs proches enterrés dessous », a-t-il dit. 

Les Palestiniens déplacés attendent d’être autorisés à retourner à leurs maisons au nord de Gaza. Photographie : Hatem Khaled/Reuters

Le Conseil sur les relations américano-islamiques (Council on American–Islamic Relations, CAIR) un groupe de défense des droits civils, a dit que la suggestion de Trump était « un non-sens délirant et dangereux », dans une déclaration qui l’a aussi décrite comme une proposition de nettoyage ethnique. « Le peuple palestinien n’est pas disposé à abandonner Gaza et les pays voisins ne sont pas disposés à aider Israël dans un nettoyage ethnique de Gaza », a-t-il dit. 

Les commentaires de Trump ont été salués par les politiciens israéliens d’extrême-droite. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a décrit le transfert des Palestiniens comme une « grande idée » et a dit qu’il travaillerait avec le Premier ministre et le Cabinet afin de créer un « plan opérationnel pour sa mise en œuvre » dès que possible. 

Malgré la position de Smotrich et de ses alliés, la suggestion de Trump allait au-delà de la politique actuelle du gouvernement israélien, dont l’armée était prête à permettre aux résidents de Gaza de retourner dans leurs maisons au nord, a dit le professeur Barak Medina, qui occupe la chaire sur les droits humains à l’Université hébraïque de Jérusalem. Cela violerait aussi probablement le droit international.

« Si le plan est de transférer de manière permanente les gens, et particulièrement si c’est fait par la force, ce n’est pas acceptable », a dit Medina. « Cela serait clairement illégal, mais aussi impraticable : aucun des pays voisins ne sera disposé à accepter des personnes qui sont expulsées de leur patrie. Cela contredit aussi la politique déclarée du gouvernement israélien. »

Avant que Trump n’entre en fonction, un responsable de son équipe de transition a dit que l’administration discutait du transfert de 2 millions de Palestiniens pendant la reconstruction si le cessez-le-feu provisoire actuel tenait. 

Reconnaissant apparemment tacitement la résistance régionale à accepter plus de réfugiés, le responsable a dit qu’une destination possible prise en considération était l’Indonésie. Jakarta a dit n’être pas informé d’un tel plan. 

 Trump a aussi dit qu’il soulèverait l’éventualité de l’Égypte comme destination des Palestiniens de Gaza lors d’un appel prévu avec le Président égyptien, Abdel Fatah al-Sisi. Cependant, depuis le commencement de la guerre en 2023, Le Caire a alerté à de nombreuses reprises contre un déplacement forcé des Palestiniens de Gaza, et a renforcé sa frontière. Sisi a dit que toute démarche pour pousser les Palestiniens dans le Sinaï compromettrait les relations avec Israël, y compris le traité de paix de 1979 entre les deux pays.

Des responsables du Hamas ont rejeté la suggestion de Trump, disant que des personnes qui ont survécu à la guerre ne partiraient pas pendant un temps de paix, comme l’ont fait des Palestiniens coincés sur les routes conduisant au nord de Gaza. « S’il pense qu’il déplacera de force le peuple palestinien, c’est impossible, impossible, impossible », a dit Magdy Seidam. « Le peuple palestinien pense fermement que ce pays est le leur, que cette terre est leur terre. » 

Mustafa Barghouti, un politicien palestinien chevronné, a dit qu’il « rejetait complètement » les commentaires de Trump, a rapporté l’agence d’informations palestinienne Ma’an. Barghouti a alerté contre des tentatives de « nettoyage ethnique » à Gaza, disant : « Le peuple palestinien est engagé à rester dans sa patrie ». 

Trump n’a pas exposé de vision pour la gouvernance post-guerre à Gaza. Tout en signant ses directives présidentielles après son investiture, il avait discuté du territoire comme d’un projet immobilier, louant son emplacement en bord de mer et le temps qu’il y fait. « J’ai regardé une photo de Gaza, c’est comme un site de démolition massif », a-t-il dit mardi, ajoutant : «  Cela doit être reconstruit d’une manière différente ». 

 

Des responsables qataris qui ont servi de médiateurs dans la pause des combats à Gaza ont décrit « tout plan qui se terminerait en un transfert ou une réoccupation » comme une ligne rouge.

La nouvelle administration de Trump a promis « un soutien inébranlable » à Israël et des positions clés ont été offertes à des soutiens radicaux de son expansion. Son ambassadrice aux États-Unis a dit dans son audition de confirmation qu’elle considérait qu’Israël avait « un droit biblique » sur la Cisjordanie, qu’Israël a occupée en 1967 mais que la plus grande partie du monde reconnaît comme le cœur d’un futur État palestinien.

Samedi, Trump a dit qu’il avait ordonné la reprise des cargaisons de quelques-unes des plus grosses bombes vers Israël, une mesure largement attendue. Biden avait interrompu la livraison des bombes de 907 kgs à cause d’inquiétudes sur les victimes civiles à Gaza provoquées par ces armes puissantes, qui peuvent déchirer béton et métaux épais sur une vaste zone.

Quand il a été interrogé sur la raison pour laquelle il débloquait la livraison de ces puissantes bombes, Trump a répondu : « Parce qu’ils les ont achetées. »

Trad. CG pour l’AURDIP

Vous aimerez aussi...