La guerre juridique d’Israël contre le BDS pousse à la répression et au maccarthysme à travers le monde
Communiqué
La guerre juridique d’Israël contre le BDS pousse à la répression et au maccarthysme à travers le monde
Comité national palestinien du BDS – 17 mars 2016
Palestine occupée, 17 mars 2016 – Le mouvement mondial qui soutient le droit à la liberté, à la justice et à l’égalité du peuple palestinien a fait des progrès impressionnants dans le paysage politique dominant ces dernières années. Les efforts déployés par le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) sous l’égide des Palestiniens pour qu’Israël ait des comptes à rendre pour ses violations graves du droit international et pour mettre fin à la complicité internationale dans ces violations, obtiennent un soutien et un impact plus importants que jamais.
Le gouvernement actuel d’Israël, le plus raciste de tous, a abandonné tout faux-semblant de « rayonnement » et de « démocratie ». Cela l’a amené à exhiber comme jamais auparavant, le régime d’Israël, d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid, devant l’opinion publique mondiale. Dans ce contexte, et étant donné la propagation rapide du BDS de ces dernières années, Israël a tenté, en vain, de sortir d’un isolement international qui se renforce progressivement dans les domaines universitaire, culturel et sportif et, dans une moindre mesure, dans la sphère économique.
Résultat, Israël, ses groupes de lobbies et ses partisans de droite, ont lancé une campagne mondiale sans précédent, bien financée, afin de faire taire l’expression palestinienne et de criminaliser le plaidoyer du BDS, surtout dans les pays occidentaux. Les agressions sous l’impulsion des Israéliens contre la liberté d’expression et les droits civils en Europe, aux USA et au Canada, parmi d’autres pays, sont en train d’instaurer tout un environnement inquiétant de menaces, d’intimidations et de répressions, présentant toutes les caractéristiques de l’ère du maccarthysme aux USA, et des pires jours du régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Dans une tentative désespérée de supprimer le BDS d’en haut, après avoir perdu beaucoup de batailles qui se voulaient conquérir les cœurs et les esprits au niveau populaire, Israël et ses groupes de pression, notamment des milliardaires anti-palestiniens, ont exercé des pressions sur les gouvernements, les parlements et les officiels en Occident afin, clairement, d’instrumenter des mesures antidémocratiques menaçantes pour les libertés civiles au sens le plus large. Cela devrait inquiéter profondément non seulement les militants qui défendent les droits des Palestiniens, mais encore tous ceux qui tiennent aux libertés civiles, les mouvements progressistes qui luttent contre le racisme, le sexisme, la discrimination indigène, pour une justice sociale, économique, environnementale.
Les mesures autoritaires adoptées contre le BDS incluent à ce jour : des poursuites judiciaires contre les militants BDS en France, telle la récente arrestation d’une militante pour avoir porté un t-shirt BDS ; des propositions aux USA pour exclure des financements ou des contrats publics les organisations qui soutiennent le BDS ; la condamnation du BDS par le parlement du Canada, et les menaces de celui-ci contre les groupes de solidarité Palestine ; et les pressions du gouvernement britannique sur les conseils locaux qui ont voté des mesures soutenant le BDS, entre autres agressions contre la démocratie locale au Royaume-Uni (voir les détails dans le résumé ci-dessous).
Pour Glenn Greenwald, cette série bien orchestrée de mesures draconiennes est la « plus grande menace contre la liberté d’expression en Occident ». Pourtant, l’exceptionnalisme d’Israël dans certains milieux dominants en Occident reste intact.
Ce particularisme du régime d’Israël, d’avoir le soutien inconditionnel au niveau militaire, politique et financier sans parler de la protection contre toute poursuite, des USA et de bien d’autres gouvernements occidentaux, ce particularisme l’archevêque émérite sud-africain Desmond Tutu l’a autrefois comparé à installer Israël « sur un piédestal », au-dessus de tous les autres États. Beaucoup de gens ont peur de critiquer la politique d’Israël, argumente Tutu, en raison des méthodes exceptionnellement intimidantes utilisées par ses lobbies.
Le BDS est un mouvement inclusif, antiraciste, ancré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et il s’oppose, par principe, à toutes les formes de racisme et de discrimination, et notamment l’antisémitisme et l’islamophobie. Pour le mouvement BDS, Israël doit être retiré de son « piédestal » et il doit rendre des comptes, comme tous les autres États qui commettent les mêmes crimes.
Il est clair qu’Israël a fait pression et qu’il se trouve derrière ces agressions antidémocratiques profondément inquiétantes destinées à criminaliser la défense des droits palestiniens. Mais ces agressions s’intègrent aussi dans une tendance croissante dans les pays occidentaux à éroder les libertés civiles au nom de la « sécurité », à concentrer les pouvoirs entre les mains des gouvernements et d’élites qui n’en ont pas à répondre, et à saper les principes démocratiques.
Le Comité national palestinien (BNC) du BDS, la plus large coalition de la société palestinienne, qui conduit le mouvement BDS dans le monde, est totalement solidaire des militants BDS, en France et ailleurs, qui se trouvent confrontés à ces chasses aux sorcières et à des poursuites judiciaires pour avoir défendu, par principe, les droits humains des Palestiniens.
Même si la législation antidémocratique et les pressions juridiques peuvent éventuellement, au début, parvenir à réduire la liberté d’expression, elles n’ont toutefois pas la capacité de dissimuler, ou de rendre plus acceptables, les crimes d’Israël contre le peuple palestinien sur sa terre originelle. Finalement, un nombre qui grossit vite de progressistes et de libéraux à travers le monde découvrent, et condamnent, le siège actuel par Israël de la bande de Gaza occupée, son vol permanent des terres et des ressources palestiniennes, et son nettoyage ethnique toujours en cours de communautés palestiniennes tout entières, spécialement à l’intérieur et autour de la vallée du Jourdain, à Jérusalem-Est, et dans le désert du Naqab (Néguev).
Aucune propagande israélienne ni aucune loi d’urgence utilisée comme arme de guerre ne peuvent blanchir l’incarcération par Israël de millions de Palestiniens dans des ghettos de ségrégation raciale, entourés de murs, de miradors et de check-points militaires, ne peuvent faire oublier son système d’apartheid et son déni du droit des réfugiés palestiniens, tel que stipulé par les Nations-Unies, à revenir dans leurs foyers d’origine.
Nous nous trouvons réconfortés par la déclaration de la ministre suédoise des Affaires étrangères qui réaffirme les principes démocratiques fondamentaux, déclarant que BDS « est un mouvement de la société civile » et que « les gouvernements ne doivent pas interférer dans les opinions d’une organisation de la société civile ». La Suède est aujourd’hui le premier pays occidental à se dégager ouvertement des intimidations incessantes d’Israël et à prendre une mesure courageuse que les autres gouvernements feraient bien de suivre.
Nous exhortons les groupes qui défendent les libertés civiles, ainsi que les organisations, les gens de conscience et les personnalités publiques qui défendent les droits de l’homme, à se joindre à nous en condamnant et en s’opposant à ces agressions dirigées par leur gouvernement contre la liberté d’expression et les libertés civiles, agressions lancées dans le but de saper, au sein de la société civile, les initiatives des défenseurs des droits de l’homme au nom du peuple palestinien.
Nous réitérons l’appel lancé par le Conseil des organisations palestiniennes des droits de l’homme, lancé aux gouvernements pour qu’ils respectent et protègent les droits civils et politiques de leurs citoyens, et pour qu’ils remplissent leur obligation juridique de faire cesser les violations d’Israël, au lieu de comploter avec lui et de museler leurs propres citoyens pour protéger Israël contre toute critique et responsabilisation.
Nous exhortons les organisations des droits de l’homme et les autres entités de la société civile à travers le monde, quelle que soit leur opinion concernant le BDS, à adopter la position de principe de défendre le droit des personnes et des organisations à s’engager dans les campagnes de BDS.
Le BDS a été inspiré et il inspire. C’est un mouvement inspiré par le long héritage de notre peuple en résistance populaire non violente, par le mouvement anti-apartheid sud-africain, et par le mouvement US pour les droits civiques, notamment. Il inspire à son tour toute une génération de militants, universitaires, artistes, féministes, palestiniens et internationaux, les mouvements pour la justice raciale et sociale, les défenseurs de la LGBTQ (la communauté homosexuelle, bisexuelle, transgenre, transsexuelle ou gueer), et d’autres encore pour qu’ils disent la vérité au pouvoir, tous en quête de nos droits inaliénables respectifs. Unis, nous vaincrons.
Le secrétariat du Comité national palestinien du BDS
le 17 mars 2016
Résumé des mesures antidémocratiques en cours prenant pour cible le mouvement BDS
France
En 2010, la ministre de la Justice d’alors, Michèle Alliot-Marie, publie une instruction aux autorités de l’État selon laquelle « l’article 24, alinéa 8 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse permet de sanctionner les citoyens ou les organisations qui appellent au boycott des produits d’un pays dont ils critiquent la politique », au motif qu’un tel appel constitue une discrimination. Depuis lors, plus de 30 militants se sont retrouvés confrontés à des accusations pour leur participation au plaidoyer non violent du BDS.
En octobre 2015, la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire de France, rend un arrêt stipulant que l’appel au boycott des produits israéliens sur la base de leur « origine » est illégal. Sauf que le BDS appelle au boycott des produits israéliens sur la base de la complicité, et non pas de l’identité. Les entreprises israéliennes se rendent complices des violations du droit international, et de faire du commerce avec Israël alors que celui-ci maintient son système d’oppression contre les Palestiniens, comme cela fut le cas avec l’Afrique du Sud de l’apartheid, est une façon de soutenir les violations des droits de l’homme par son régime.
Malgré tout, presque toutes les formes du militantisme BDS en France se concentrent sur des activités autres que l’appel au boycott des produits israéliens, lesquelles ne peuvent en aucune manière être considérées comme illégales.
Se servant d’une interprétation fausse et arbitraire de l’arrêt de la Cour de cassation pour prétendre que toutes les activités soutenant le BDS sont illégales, un certain nombre de tentatives ont eu lieu de la part de la police pour empêcher que se tiennent des manifestations en soutien du BDS. Début mars, une militante de la solidarité a été arrêtée simplement parce qu’elle portait un t-shirt BDS, comme cela a été rapporté.
Le Premier ministre Manuel Valls a récemment déclaré qu’il verrait le ministère de l’Intérieur pour discuter de nouvelles mesures qui pourraient être prises pour réprimer le militantisme BDS.
Le Conseil de Paris a voté une résolution condamnant le mouvement BDS, motion qui utilise également une fausse interprétation de l’arrêt de la Cour de cassation.
En dépit de toute cette répression sous l’égide de l’État, le mouvement BDS en France continue de mobiliser un large soutien, notamment avec des manifestations dans les rues, pour mettre fin à la complicité internationale avec l’apartheid et le colonialisme de peuplement israéliens.
États-Unis
Selon le site Right to Boycott, des projets de loi ou résolutions anti-BDS ont été introduits dans 21 États différents et au Congrès US.
Le 23 juillet 2015, le gouverneur de l’Illinois, Bruce Rauner, signe la première loi explicitement anti-BDS de l’État. Cette nouvelle loi requiert l’instauration d’une « liste noire », tenue par l’État, des entreprises étrangères qui répondent aux appels à boycotter Israël, et elle oblige les fonds de pension de l’État à se désinvestir de telles entreprises.
La loi 2016 sur la lutte contre le BDS, le Combating BDS Act, présenté au Congrès US, vise à autoriser l’État et les administrations locales à se désinvestir, et à y interdire tout investissement, de toute entité qui « se livrerait à un commerce ou à une activité liée à un investissement pour un boycott, désinvestissement ou des sanctions visant Israël. »
Des projets présentés au Congrès, à New York, dans l’Illinois et le Maryland, cherchent à refuser ou à réduire les financements par le gouvernement des facultés et universités qui financent ou subventionnent des activités et des participations à des groupes, comme l’Association des études américaines (ASA), qui soutiennent les boycotts académiques d’Israël.
En juin 2015, le Président Obama signe la loi relative à l’Autorité pour la promotion du commerce (Trade Promotion Authority). Cette loi générale pour le libre-échange inclut des dispositions qui s’opposent au BDS et qui furent, pour les Etats-Unis, un objectif commercial de principe lors des négociations avec l’Union européenne, afin de décourager « les actions motivées politiquement visant à boycotter, désinvestir, ou sanctionner » Israël et « les territoires sous son contrôle ».
Rassurant les militants BDS des USA, le groupe de défense juridique Palestine Legal affirme, « Les boycotts ont longtemps joué un rôle important dans l’histoire des États-Unis, et la Cour suprême a jugé que les boycotts qui visent à un changement politique, social et économique sont protégés par le Premier Amendement de la Constitution. L’appel à un boycott d’Israël se fonde sur les violations des droits de l’homme par Israël, et il est destiné à provoquer un changement social et politique. La Constitution est la “la loi du pays”, dès lors, les lois fédérales, nationales et locales ne peuvent vous retirer vos droits constitutionnels ».
Royaume-Uni
En octobre 2015, un communiqué de presse du parti conservateur au pouvoir annonce que le gouvernement va prendre des mesures pour « empêcher les boycotts par les hôtels de ville », et empêcher aussi les conseils locaux et les autres organismes publics de soutenir le mouvement BDS et toute mesure visant des entreprises contribuant aux violations israéliennes du droit international.
Ce communiqué de presse du gouvernement britannique qui annonce ces mesures contient un certain nombre de propos diffamatoires contre le mouvement BDS, prétendant faussement qu’il appelle à un boycott sur la base de l’identité ethnique. Le ministre de la Justice, Michael Gove, va exprimer les mêmes diffamations lors d’un récent discours.
Les mesures du gouvernement britannique se sont mises en place à travers une note politique relative aux marchés publics et elles proposent de modifier la réglementation du régime de pensions des administrations locales.
Marchés publics : le 17 février 2016, le bureau du Cabinet publie une note politique sur les marchés (PPN) qui réaffirme les obligations juridiques existantes concernent le processus d’approvisionnement dans le secteur public. Elle se sert des règles de l’Organisation mondiale du commerce selon lesquelles les organismes publics ne peuvent refuser de traiter avec une entreprise en raison de son « pays d’origine ». Sauf que l’accord pour les marchés publics de l’OMC autorise toute mesure qui serait adoptée dans le but de « protéger la moralité publique ».
Le document du gouvernement est manifestement destiné à créer un effet dissuasif et à faire pression sur les conseils pour qu’ils croient, à tort, ne plus être autorisés à exclure des appels d’offres les entreprises qui violent les droits de l’homme. Cependant, le document ne crée aucune obligation ou exigence juridique nouvelles pour les organismes publics. Pas plus que la note d’orientation politique n’empêche les conseils locaux d’exclure des appels d’offres les entreprises pour leur rôle dans les violations des droits de l’homme, ce que le précédent gouvernement avait confirmé comme parfaitement légal.
Pensions des administrations locales : le 25 novembre 2015, le gouvernement lance une consultation à propos de nouvelles règles pour la façon dont une administration locale peut investir des fonds de pension. Cela inclut la proposition de donner au Secrétaire d’État un droit de veto sur les décisions d’investissement des autorités locales, et indique que le gouvernement va publier une ligne directrice additionnelle qui précisera clairement que les décisions d’investissements « ne doivent pas suivre une politique qui irait à l’encontre de la politique étrangère britannique ». Cette ligne directrice n’a pas encore été publiée.
Ces mesures compromettent irrémédiablement l’engagement qu’avait pris le gouvernement de déléguer du pouvoir aux administrations et communautés locales. Elles constituent également une agression grave à l’encontre de la démocratie locale et des droits civils.
Canada
Le parlement canadien, dirigé par le parti du Premier ministre Justin Trudeau, a récemment voté une condamnation de la campagne mondiale de BDS. La motion était présentée par le Parti conservateur, dans l’opposition, mais elle fut soutenue par la plus grande partie des membres des Libéraux de Trudeau au pouvoir.
La motion « appelle le gouvernement à condamner toute tentative de la part d’organismes ou de particuliers de promouvoir le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions, décrit comme faisant la promotion de la “diabolisation et la délégitimation” d’Israël ».
Cette motion est la plus récente de toute une série d’agressions sous l’égide du gouvernement contre le mouvement BDS et d’atteintes à la liberté d’expression, où l’on a vu aussi des politiciens du gouvernement condamner le militantisme sur les campus et calomnier le BDS comme « antisémite », et signer un accord de coopération avec Israël qui contient un engagement spécifique à combattre le mouvement BDS.
http://bdsmovement.net/2016/israels-legal-warfare-on-bds-fosters-repression-13825
http://www.aurdip.fr/israel-s-legal-warfare-on-bds.html
traduction : JPP pour l’AURDIP