Mano Siri : hypocrisie et mensonges de la LICRA sur le mouvement BDS
7 janvier 2017
Début prometteur ?
Mano Siri a regardé le site de BDS France. L’article commence par indiquer ce que B.D.S. signifie et qu’il s’agit de « Notre réponse à l’apartheid, la colonisation et l’occupation israélienne ». Il cite correctement notre référence à la société civile palestinienne, à l’action non violente et à « un engagement décidé en faveur du boycott économique, syndical, institutionnel, universitaire, culturel et sportif, qui constitue à (nos) yeux « un acte de dénonciation de la politique d’occupation colonialiste d’Israël ». Il met en marge un renvoi vers un remarquable texte du Comité national palestinien du BDS, mais se garde bien de parler de son contenu.
Apartheid ?
Mano Siri ne manque pas de citer la référence du mouvement BDS à l’apartheid en Afrique du Sud. Elle sait pourtant ce qu’apartheid veut dire puisqu’elle le qualifie de « racisme d’État acté dans les faits et dans la loi » – ce qui s’applique sans conteste à Israël comme aux territoires occupés après 1967. Mais circulez, il n’y a rien à voir, pour Israël il faut une « analyse mesurée (par qui ?) de la réalité de l’État israélien », et se servir des « Arabes » palestiniens comme alibis, quel que soit leur sentiment réel. Juste pour revenir un instant sur l’apartheid, rappelons à la LICRA ce qu’écrivait un « spécialiste », Hendrik Verwoerd, ancien Premier ministre d’Afrique du Sud, à propos d’Israël : « Israël, comme l’Afrique du Sud, est un État d’Apartheid ».
Ou ces propos de Mgr Desmond Tutu, une ex-figure de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, concernant la situation en Palestine/Israël:
« La solution viendra plus probablement des outils non violents que nous avons développés en Afrique du Sud dans les années 80 afin de persuader le gouvernement sud africain de la nécessité de changer sa politique. »
(…)
«L’embargo sur le commerce infligé dans les années 80 à l’Afrique du Sud par des multinationales engagées fut un facteur clé de la chute, sans effusion de sang, du régime d’apartheid. Ces entreprises avaient compris qu’en soutenant l’économie sud-africaine, elles contribuaient au maintien d’un statu quo injuste. Ceux qui continuent de faire affaire avec Israël, et qui contribuent ainsi à nourrir un sentiment de “normalité” à la société israélienne, rendent un mauvais service aux peuples d’Israël et de la Palestine. Ils contribuent au maintien d’un statu quo profondément injuste.»
Mensonges
Mais rien ne vaut mieux que de bons gros mensonges pour faire avaler la propagande pour le régime israélien – nous connaissons tous son nom, hasbara ! Mano Siri en glisse plusieurs. Le premier, faisant un lien inexistant entre mouvement BDS et UNESCO, affirme que celle-ci a « dénié tout lien historique entre le peuple juif et la terre d’Israël ». Il n’est pas nécessaire d’être à l’UNESCO pour savoir que c’est faux, l’UNESCO s’est contentée de nommer les lieux par leurs noms, qui ne sont pas ceux de l’occupant israélien. Le second affirme mensongèrement que BDS veut faire « d’Israël le seul agresseur de tout le Moyen-Orient. Le seul État d’Israël est dénoncé comme État raciste, colonial, non démocratique. ». Le troisième mensonge est le coup de pied de l’ânesse qui prétend avec la plus grande malhonnêteté intellectuelle que « BDS étend son boycott de tout ce qui vient d’Israël aux produits casher en général. » A t-elle lu la charte de BDS France comme elle le prétend ? Il est pourtant facile d’y lire :
Notre action est éthique, citoyenne et politique. Elle s’inscrit dans notre combat permanent contre toute forme de racisme. Elle ne vise pas des personnes ou des groupes en raison de leur origine ou de leur religion juive, ni leurs entreprises ou leurs produits. Nous faisons une différence évidente entre un produit israélien que nous boycottons, et un produit casher produit par une entreprise non israélienne que nous ne boycottons pas.
« Cette campagne de Boycott de l’État d’Israël en tant qu’occupant et colonisateur, comme celle du Boycott de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, n’est pas une fin en soi, destinée à discriminer une population. Elle constitue un outil de pression sur nos gouvernements pour qu’ils appliquent des sanctions et un levier sur le gouvernement israélien, qui servira à imposer la seule issue pour cette région : l’application du droit international et le respect des droits des Palestiniens. »
Doutes ?
Malgré cette faillite intellectuelle, nous sommes sensibles aux interrogations de la LICRA sur sa vocation dévoyée. Nous lisons « Pour autant, ce qui fait débat à l’intérieur de la LICRA, c’est l’opportunité ou non de se porter partie civile dans les procès intentés par l’État à BDS, ce qui témoigne de l’existence de points de vue différents à l’intérieur de notre organisation ». Nous notons qu’il y a au sein de la LICRA des personnes encore attachées à la liberté d’expression. Tant mieux, que le débat ait lieu, mais il n’a pas empêché la LICRA de manifester contre cette liberté d’expression à Montpellier et ailleurs. Et ce débat n’a pas empêché la LICRA d’agir de concert avec le BNVCA – pourtant placé au sein des « dérapages » en page 23 du magazine – pour construire un procès contre les militant-e-s BDS de Toulouse.
Le procès BDS Toulouse est justement l’exemple même de la confusion des genres et du dérapage de la LICRA qui prétend lutter contre le racisme et se retrouve à l’origine d’un procès pour « entrave à l’activité économique » contre des militant-e-s, dont moi-même, dont le seul « tort » serait d’avoir été présents pendant une distribution de tracts appelant au boycott des produits de l’apartheid israélien devant un supermarché.
A qui cela parle t-il ?
La LICRA a été surtout connue dans les années 1980-90 pour ses actions contre les derniers collaborateurs historiques du génocide des Juifs d’Europe et contre la négation de ce génocide. Depuis 15 ans, elle se redéfinit comme un nouveau chien de garde d’Israël cherchant à utiliser au mieux son image « laïque » et « républicaine » acquise précédemment. Sa cible de lobbying est constituée par les élus et les programmes scolaires.
Sa technique média est de se présenter comme meilleur agent de la laïcité, mais d’une drôle de laïcité, nullement indépendante des religions et 100% islamophobe (terme que son président dénie par ailleurs, au détriment des victimes de cette discrimination).
La LICRA utilise à souhait le drapeau tricolore. Les trois couleurs du drapeau révolutionnaire sont associés aux trois demandes : « Liberté », « Égalité », « Fraternité ». l’État israélien seul détenteur du pouvoir sur la terre de Palestine y interdit la liberté, l’égalité et la fraternité. L’hypocrisie constitue le drapeau de la LICRA. La campagne BDS espère que de nombreuses personnes – simples citoyens ou élus – sauront faire la différence entre la LICRA et l’engagement antiraciste.
Rappelons que Mano Siri et Antoine Spire s’étaient déjà fendus d’une brochure de propagande intitulée « 100 mots pour se comprendre contre le racisme et l’antisémitisme » destinée aux enseignants du secondaire. A la suite de nombreuses critiques dont celles de l’Union Juive Française pour la Paix, membre de BDS France, cette brochure n’est pas allée polluer nos écoles.
Jean-Pierre Bouché, BDS France