Le leader de BDS Omar Barghouti dédie son prix Gandhi de la Paix aux prisonniers palestiniens en grève de la faim

 

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26 avril 2017 | Amy Goodman et Juan Gonzalez pour Démocratie Maintenant

Vidéo en anglais) : https://www.democracynow.org/2017/4/25/bds_leader_omar_barghouti_dedicates_his

Alors que 1.000 prisonniers palestiniens sont entrés dans leur neuvième jour d’une grève massive de la faim dans les prisons israéliennes, nous sommes rejoints par le militant palestinien Omar Barghouti, venu aux Etats Unis pour recevoir le Prix Gandhi de la Paix 2017 pour son travail en tant que cofondateur du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions, ou BDS. A la cérémonie de remise des prix, Barghouti a dédié son prix aux Palestiniens en grève de la faim. Il a été presque empêché d’être présent après que la police israélienne l’ait arrêté, saisissant son passeport et lui interdisant de quitter le pays. Un tribunal israélien a finalement levé temporairement l’interdiction de voyager.

TRANSCRIPTION

Il s’agit d’une transcription hâtive. Cette copie n’est peut-être pas sous sa forme définitive.

AMY GOODMAN : C’est Démocratie Maintenant ! Democracynow.org. Le Rapport Guerre et Paix. Je suis Amy Goodman de Boston. Juan Gonzalez est de New York

JUAN GONZALEZ : Eh bien, plus de 1.000 prisonniers palestiniens ont entamé leur neuvième jour d’une grève de la faim massive dans les prisons israéliennes. Dans un éditorial publié dans The New York Times, le meneur de la grève Marwan Barghouti a écrit : « Israël a installé un régime [juridique] double, une sorte d’apartheid juridique qui offre une impunité virtuelle aux Israéliens qui commettent des crimes contre les Palestiniens, tandis qu’il criminalise la présence et la résistance palestinienne. Les tribunaux d’Israël sont une parodie de justice, des instruments flagrants de l’occupation coloniale militaire. » Marwan Barghouti a depuis été confiné à l’isolement.

Pour en savoir plus sur la grève de la faim et d’autres questions, nous serons rejoints dans un moment par le militant palestinien Omar Barghouti, qui est venu aux Etats Unis où il vient de recevoir le Prix Gandhi de la Paix 2017 pour son travail en tant que cofondateur du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, ou BDS. A la cérémonie de remise des prix, Barghouti a dédié son prix aux Palestiniens en grève de la faim.

OMAR BARGHOUTI : De même que j’accepte humblement le Prix Gandhi de la Paix 2017, je le dédie aux héroïques prisonniers politiques palestiniens en grève de la faim dans les cachots d’apartheid d’Israël et à tous les réfugiés qui se languissent de retourner chez eux en Palestine pour retrouver leur terre et leur patrie.

AMY GOODMAN : C’est Omar Barghouti, tel qu’il parlait dimanche à l’université de Yale. Barghouti a failli rater la cérémonie de remise du prix. Le mois dernier, la police israélienne l’a arrêté pour un prétendu non paiement d’impôts, saisissant son passeport et lui interdisant de quitter le pays. Un tribunal israélien a finalement levé temporairement l’interdiction de voyager devant de formidables réclamations indignées, tout au moins c’est ce que les gens ont pensé. Eh bien, Omar Barghouti nous rejoint dans ce qui pourrait bien être son dernier voyage aux Etats Unis.

Bienvenue à Démocratie Maintenant ! Omar, pouvez vous expliquer ce qui vous est arrivé, pourquoi vous avez eu autant de difficultés pour revenir aux Etats Unis. Vous êtes à la fois citoyen israélien et citoyen américain, un citoyen des USA ?

OMAR BARGHOUTI : Bonjour Amy. Non, en fait je ne le suis pas. Je ne suis ni citoyen américain, ni citoyen israélien. En tant que Palestinien, en tant que réfugié, fils de réfugiés, je suis résident permanent en Israël et je suis un citoyen jordanien.

Je ne peux pas parler de la dernière phase de répression que j’ai subie par Israël parce que je je suis condamné au silence par ordre de justice et je vais donc éviter de m’étendre sur ce sujet. Mais nous devons le remettre dans son contexte. Il y a environ un an, Israël a créé une unité de ternissement, mise en place par le ministère des affaires stratégiques, dont le but était ouvertement de ternir la réputation des défenseurs des droits de l’Homme palestiniens, internationaux, israéliens, impliqués dans la lutte pour les droits des Palestiniens grâce au mouvement BDS, Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Cette dernière phase de répression arrive donc dans ce contexte et dans le contexte d’une guerre McCarthyiste lancée par Israël, depuis plus de trois ans maintenant, contre le mouvement BDS à travers le monde.

JUAN GONZALEZ : Et vous, vous étiez l’un des fondateurs du mouvement et aussi un membre du Comité National, le BNC, qui est probablement la plus vaste-

OMAR BARGHOUTI : coalition.

JUAN GONZALEZ : -coalition dans les territoires palestiniens. Pourriez vous nous parler du BNC et de son rôle maintenant ?

OMAR BARGHOUTI : Oui, bien sûr. Le Comité National de Boycott, Désinvestissement, Sanctions palestinien, ou BNC, est la plus vaste coalition de la société palestinienne, et il dirige le mouvement BDS mondial. C’est donc lui qui établit les stratégies générales, les objectifs du mouvement. Mais c’est clairement un mouvement décentralisé. Ainsi, le BNC représente les partis politiques palestiniens, les syndicats, les associations de femmes, les réseaux de réfugiés etc. etc.

Il fonde son accord sur les trois exigences fondamentales de l’appel BDS lancé en 2005 : fin de l’occupation israélienne, fin du système de discrimination raciale, qui rejoint la définition des Nations Unies d’ « apartheid », et droit au retour pour les réfugiés palestiniens. En tant que tel, il ne prend absolument pas position sur l’issue politique – un Etat, deux Etats. Nous restons fidèles à la déclaration des droits de l’Homme plutôt qu’à l’issue politique à laquelle les Palestiniens pourraient se déterminer dans le cadre de l’exercice de leur autodétermination.

 

JUAN GONZALEZ : Et pourriez vous nous faire partager, ainsi qu’à nos auditeurs et spectateurs, un peu de votre propre expérience qui a en quelque sorte scellé votre engagement dans cette cause ?

OMAR BARGHOUTI : Bon, je pense que nous l’avons vu, spécialement après la décision en 2004 de la Cour Internationale de Justice comme quoi le mur construit par Israël dans les Territoires Occupés était illégal, et que le monde n’a pas bougé pour mettre Israël en accusation sur ce seul crime, sans parler de son déni des droits des réfugiés, de son système d’apartheid, de son occupation. Aussi, mes collègues et moi même avons pensé que nous ne pouvions pas indéfiniment vivre en attendant simplement que la « communauté internationale », sous hégémonie américaine, bouge pour demander à Israël de rendre des comptes sur ses obligations envers le droit international. Nous avons dû pour ainsi dire emprunter le chemin des Sud Africains pour faire rendre compte à Israël par les citoyens du monde entier, les institutions du monde entier, la société civile qui, réunis tous ensemble, prendraient des mesures qui isoleraient Israël académiquement, culturellement, économiquement et, finalement, lui imposeraient des sanctions, comme cela avait été fait contre l’Afrique du Sud. J’ai donc été motivé par toute une série d’expériences personnelles de répression sous le régime israélien d’occupation et d’apartheid.

AMY GOODMAN : Omar Barghouti, pouvez vous nous parler de la très importante grève de la faim dans laquelle se sont engagés actuellement des centaines de prisonniers palestiniens ?

OMAR BARGHOUTI : Oui. La grève de la faim des prisonniers palestiniens, dont la plupart sont des prisonniers politiques qui souffrent de conditions extrêmement inhumaines dans ce que j’appelle les cachots d’apartheid d’Israël, ou dans les prisons et centres de détention, demandent l’application de leurs droits fondamentaux en tant que prisonniers selon le droit international. Et on leur refuse ces droits. Ils sont doublement punis, pas seulement avec de très longues peines de prison, mais avec un manque de procédures justes, le manque de tout semblant de justice dans le système carcéral d’apartheid et le système juridique israéliens. On leur dénie aussi certains droits fondamentaux tels que le droit de visites. Leurs parents, lorsqu’ils viennent les voir, sont humiliés. Beaucoup de prisonniers subissent la torture et souffrent de conditions très inhumaines. Ainsi, la torture est très répandue dans les prisons israéliennes, dans le système carcéral, y compris en particulier contre des centaines d’enfants palestiniens. Aussi, les prisonniers font grève, s’engagent dans cette très difficile, très extrême forme de résistance, afin de montrer au monde qu’ils manquent de ces droits fondamentaux et qu’ils exigent ces droits fondamentaux. Ils refusent de vivre dans ces conditions.

JUAN GONZALEZ : Je m’interroge sur vos perspectives, maintenant que le président Trump est là à la Maison Blanche et que Benjamin Netanyahu est toujours premier ministre d’Israël, ce que vous attendez de la nouvelle administration américaine. Et je comprends que, le 3 mai, le président Trump va rencontrer le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas. Qu’attendez vous de cette rencontre ?

OMAR BARGHOUTI : Je pense que, si nous observons le gouvernement israélien, arrivé au pouvoir en 2015 comme le plus raciste de l’histoire d’Israël, en train de jeter le masque qui recouvrait jusque là le régime d’occupation, de colonialisme de peuplement et d’apartheid d’Israël, l’administration Trump a elle aussi jeté le masque de l’administration américaine, qui a toujours fait lit commun avec le système israélien d’occupation et d’apartheid, et maintenant vous l’affrontez aussi. Ainsi, la répression que nous voyons croître aux Etats Unis et la répression et le déni de droits que nous constatons de la part du gouvernement israélien se rejoignent et nous montrent des voies pour réunir nos combats. Nous envisageons donc des temps très difficiles, face à l’impunité israélienne gonflée aux stéroïdes, à cause de l’administration Trump. Et en même temps, l’administration Trump utilise le gouvernement droitier d’Israël comme un modèle pour le profilage ethnique, pour les murs, comme celui avec le Mexique, et pour diverses sortes de politiques raciales. Israël est maintenant un modèle pour l’administration américaine. Et ça, c’est dangereux pour tout le monde.

AMY GOODMAN : Omar Barghouti, vous avez été honoré à l’université de Yale, conjointement à Ralph Nader, avec le prix Gandhi. Vous vous êtes également exprimé hier soir à l’université de Columbia.

OMAR bARGHOUTI : Exact.

AMY GOODMAN : Y a-t-il eu des troubles à cette occasion ?

OMAR BARGHOUTI : Eh bien, un genre de McCarthyisme israélien a touché l’université de Columbia et le collège Barnard. A la toute dernière minute, moins de 24 heures avant l’événement de la nuit dernière, les administrations de Columbia et de Barnard ont refusé aux étudiants le droit d’ouvrir la rencontre au public. Elle a donc été restreinte à la communauté de l’université de Columbia dans une démarche très étrange. Et les raisons étaient encore plus étranges. Elles citaient l’article d’un torchon d’extrême droite qui disait que cet orateur était enclin à la controverse et pourrait provoquer quantité de débats sur le campus, comme si tout orateur ayant quelque chose à dire n’était pas sujet à la controverse. Ainsi, les gens en place, dont ceux qui siègent dans les universités de notre pays, plient sous la pression des lobbies israéliens qui essaient véritablement de vendre leur McCarthyisme et leur répression dans diverses institutions pour empêcher les voix des Palestiniens de se faire entendre et pour empêcher de nombreux Américains de rejoindre le combat pour la justice en Palestine et de le rapprocher des luttes nationales pour les droits raciaux, les droits économiques et d’autres formes de justice.

JUAN GONZALEZ : Je voulais vous interroger sur le – encore sur le mouvement BDS, sur la réponse d’Israël au mouvement BDS. Que fait-il pour le combattre ? Et aussi sur la base de données qu’ils établissent sur les citoyens israéliens qui soutiennent ce mouvement ?

OMAR BARGHOUTI : Certainement. Depuis 2014, Israël a décidé que son ancienne politique, son ancienne stratégie pour combattre BDS, la propagande ou la stratégie de la « Marque Israël », avaient failli et il a donc adopté une nouvelle stratégie fondée sur l’utilisation de ses services secrets pour espionner les militants BDS et essayer de ternir nos réputations, en s’appuyant sur un combat juridique pour voter des lois anti-BDS, comme cela arrive dans beaucoup de législatures dans ce pays, comme au Congrès américain et dans des pays comme la France, la Grande Bretagne etc. Aussi sont-ils passés d’une guerre de propagande à une guerre acharnée juridique et d’espionnage contre le mouvement.

Ce que vous avez mentionné est absolument important. Récemment, Israël a voté un interdit anti-BDS. Il interdisait à tout supporter de BDS, ou même aux supporters de boycotts partiels contre les colonies israéliennes illégales dans les Territoires occupés, d’entrer dans le pays. En fait, Israël dresse une liste noire des Israéliens qui soutiennent n’importe quelle forme de boycott contre les institutions israéliennes pour obtenir justice et accorder leurs droits aux Palestiniens. Ainsi, ce McCarthyisme n’est plus une simple métaphore. C’est réel, cela arrive véritablement, alors qu’Israël tombe dans l’abîme et que des gens du commun, comme Ehud Barak par exemple, mettent en garde sur le fait que des signes de fascisme menacent Israël.

AMY GOODMAN : Que pensez vous, Omar Barghouti – qu’aimeriez vous voir sortir de cette rencontre de la semaine prochaine, le 3 mai, entre Mahmoud Abbas et le président Trump, à laquelle Juan vient de faire référence ?

OMAR BARGHOUTI : Je pense que je ne suis pas le seul Palestinien à avoir très peu d’espoir que quoi que ce soit puisse en sortir. Tout d’abord, les fonctionnaires palestiniens actuellement au pouvoir n’ont pas de mandat démocratique pour gouverner. Ils n’ont pas de mandat démocratique pour transiger sur quelque droit des Palestiniens que ce soit comme ils le font. Aussi ne font-ils pas observer les droits des Palestiniens selon le droit international. Ils ne font pas observer le droit au retour des réfugiés palestiniens, le droit de vivre sans apartheid et sans occupation. Ils ne demandent qu’un tout petit résidu des droits des Palestiniens. Et ils tiennent compte des dictas qui viennent des administrations israéliennes et américaines. Aussi ai-je très peu d’espoir. C’est une gouvernance très faible, dépourvue de tout mandat démocratique. Et nous n’en attendons pas grand-chose. Nous faisons plus confiance à la société, la société civile, la résistance populaire et la solidarité internationale qui l’accompagne.

AMY GOODMAN : Bien, Omar Barghouti, nous voulons vous remercier infiniment d’être venu chez nous, vous Palestinien qui défendez les droits de l’Homme, cofondateur du Comité National de Boycott, Désinvestissement et Sanctions, ou BNC. Israël a dressé une interdiction de circuler contre Omar Barghouti, dans le cadre de sa politique de démolition contre BDS. Mais, après avoir obtenu une suspension temporaire de cet interdit, Barghouti est venu aux Etats Unis pour recevoir le Prix Gandhi de la Paix.

 

 

Traduction : J. Ch. pour l’AURDIP

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