Déclaration d’Omar Barghouti sur l’annulation de l’invitation du chanteur Matisyahou au festival Rototom en Espagne.
Des militants des droits humains ont demandé au festival Rototom, en Espagne, d’annuler la prestation d’un chanteur américain qui a un historique d’incitation à la haine raciale et de défense des crimes de guerre israéliens et des violations de droits humains, toutes choses qui sont en contradiction avec l’accent mis par le festival sur les droits humains et avec son esprit. Quel est le fond du débat ?
Israël et des groupes sionistes aux États Unis tentent le recours à l’évocation de l’antisémitisme pour faire de l’intimidation vis-à-vis de festivals, d’artistes et d’entreprises et de maintenir dans un statut exceptionnel des Israéliens (et des Juifs) qui violent les droits humains ou qui se font les avocats des crimes de guerre.
Si un chanteur catholique raciste, disons, faisait régulièrement des déclarations anti Noirs, de nombreux Africains –Américains et d’autres groupes progressistes feraient pression pour l’exclure de festivals sur la base du message haineux et discriminatoire qu’il envoie. Personne ne pourrait alors blâmer ceux qui appellent au boycott, comme « anti-Catholiques ».
Est-ce que Rosa Parks était « anti-Blancs » ? Non, elle boycottait la ségrégation et le racisme, quelle que fut l’identité de ceux qui les pratiquaient.
De même, si des militants suédois des droits humains appellent, disons, à exclure un artiste musulman d’un festival féministe pour son soutien persistant à l’affreux déni de l’égalité des droits pour les femmes en Arabie Saoudite, pourrait-on raisonnablement parler « d’islamophobie » ?
Les sionistes essaient d’argumenter que des personnes juives qui défendent ou justifient les crimes de guerre, expriment une haine raciale ou incitent à la violence raciste, devaient être exemptes de critiques, simplement parce qu’elles sont juives et à cause de l’holocauste ; sinon, c’est de l’antisémitisme. Cet exceptionnalisme, en dehors du fait qu’il est raciste et absurde, nourrit directement l’antisémitisme.
Des délinquants juifs devraient être traités comme tout autre délinquant, ni mieux ni certainement moins bien.
Certaines paroles des chansons de Matisyahou, tellement pleines de haine et de déni de l’existence même du peuple palestinien, sont écrites par un colon israélien qui vit illégalement sur le territoire palestinien occupé. Ces enregistrements racistes sont en contradiction directe avec l’esprit de paix, de défense des droits humains et des principes de justice qui animent le festival.
L’appartenance ethnique, la foi et autres attributs de l’identité de Matisyahou n’ont rien à voir avec la campagne engagée en Espagne contre son spectacle par les défenseurs des droits humains.
La Campagne Palestinienne pour le Boycott Culturel et Universitaire (PACBI), la partie de la direction palestinienne du mouvement mondial BDS dédiée aux sphères universitaire et culturelle, appelle au boycott des institutions israéliennes complices des violations israéliennes du droit international, et non des individus.
Contrairement au mouvement de boycott contre l’apartheid sud-africain, le mouvement BDS palestinien n’appelle pas à boycotter des individus. Ce n’est pas parce que des artistes ou universitaires israéliens seraient plus progressistes ou opposés à l’injustice que le reste de la société, ainsi que cela a souvent été affirmé par erreur ou argumenté à tort sans une once d’évidence, mais parce que nous sommes opposés, par principe, au contrôle politique et aux « listes noires ».
Le mouvement BDS s’est constamment abstenu d’utiliser des outils Maccarthistes dans la résistance au régime d’oppression israélien, en dépit ou à cause du recours persistant par des groupes de lobby israéliens à ce que j’appelle un nouveau « Maccarthisme », pour lequel le test ultime de loyauté réside dans une allégeance inconditionnelle à Israël.
Selon les lignes directrices de BDS pour le boycott culturel international d’Israël, « le contenu d’un produit culturel ou le mérite artistique ne sont pas pertinents pour déterminer s’il relève ou non du boycott ». Le boycott est basé sur des liens institutionnels avec Israël, ses groupes de lobby ou les institutions complices.
Mais ces lignes directrices établissent aussi que :
Tandis que la liberté d’expression d’un individu devrait être pleinement et systématiquement respectée dans le contexte du boycott culturel, un artiste ou écrivain, israélien ou autre, ne saurait échapper au fait d’être sujet à un boycott « de bon sens » (au-delà des critères du boycott institutionnel de PACBI), auquel peuvent appeler des citoyens conscients de par le monde en réponse à ce qu’ils perçoivent largement comme une complicité individuelle flagrante avec, une responsabilité sur, ou une défense des violations du droit international (comme les crimes de guerre ou autre violations graves des droits humains), de la violence raciale ou d’affronts raciaux. À ce niveau, les travailleurs culturels israéliens ne devraient pas être exempts d’une critique justifiée ni d’une forme légale de protestation, dont le boycott ; ils devraient être traités comme tout autre contrevenant, ni mieux ni moins bien ».
J’estime parfaitement raisonnable que des citoyens conscients, dans n’importe quel pays, s’opposent au spectacle d’un fanatique ou de quelqu’un qui incite à la haine raciale.
Voir la déclaration en anglais présentée par Ben Norton sur: http://mondoweiss.net/2015/08/barghouti-reasonable-performance#sthash.v6pEBThD.dpuf
Traduction SF pour BDS France