Israël empêche Omar Barghouti d’accompagner sa mère lors d’une opération chirurgicale
D’Omar Barghouti – 4 janvier 2018
Chers tous,
Ceci pour partager avec vous qu’Israël m’a effectivement interdit de me rendre à Amman, en Jordanie, pour accompagner ma mère lors de sa prochaine opération chirurgicale décisive.
Ma mère, Wafieh Barghouti, est âgée de 75 ans. Elle a appris qu’elle avait un cancer il y a quelques mois, et elle se bat depuis avec courage, dignité, et beaucoup de ses commentaires politiques, cinglants comme à son habitude, sur Facebook !
Avec ma mère, à Acre, en 2017.
Depuis des mois maintenant, à chaque fois que j’ai eu besoin de me rendre à Amman pour être avec ma mère lors d’une séance de chimiothérapie, il m’a fallu obtenir une ordonnance judiciaire pour suspendre temporairement l’interdiction de voyager qui m’a été imposée par les autorités israéliennes.
En réponse à une demande en urgence de mes avocats – qui expliquait l’intervention chirurgicale à venir de ma mère et la nécessité pour moi d’être avec elle –, un tribunal israélien a suspendu temporairement l’interdiction de voyage du 5 au 16 janvier 2018.
Mais le ministère israélien de l’Intérieur, bien qu’il ait été informé de l’opération chirurgicale, a pendant près de trois semaines refusé de renouveler mon document de voyage israélien, sans lequel je ne peux pas me rendre en Jordanie.
Mon avocate a d’abord déposé une demande auprès du ministère pour le renouvellement du document de voyage le 17 décembre 2017, et elle l’a relancé avec trois lettres en urgence : les 27 décembre 2017, le 2 janvier 2018, et aujourd’hui, le 4 janvier 2018. Elle a également envoyé au ministère une copie d’une lettre écrite par le cancérologue de ma mère indiquant les dates des interventions chirurgicales et du suivi thérapeutique.
Étant donné le dossier bien établi de la guerre totale du régime israélien contre le mouvement BDS non violent pour les droits des Palestiniens, et contre moi personnellement, je n’ai aucun doute qu’il s’agit bien là d’une nouvelle forme de « punition » pour mon rôle dans le mouvement, en tant que défenseur des droits humains luttant pour la liberté, la justice et l’égalité.
En m’imposant une interdiction de voyager, en me menaçant d’ « assassinat civil », et en tentant désespérément – et à plusieurs reprises – de ternir ma réputation qui est bien pâle comparée aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité (dont le crime d’apartheid) perpétrés par le régime d’oppression d’Israël contre les millions de Palestiniens.
Le siège des deux millions de Palestiniens dans Gaza, qui les prive de leurs droits et libertés fondamentaux… Le refus du droit, stipulé par les Nations-Unies, au retour dans leur foyer pour des millions de réfugiés palestiniens… Le vol sans fin de la terre et la construction des colonies de peuplement illégales en Cisjordanie, en particulier dans et autour de Jérusalem… Le nettoyage ethnique qui se poursuit de communautés entières dans le Naqab et la vallée du Jourdain… Les dizaines de lois racistes et le régime brutal d’apartheid israéliens qui, en comparaison, font ressembler l’apartheid d’Afrique du Sud à un « pique-nique », comme l’a déclaré le président du parlement sud-africain… L’assassinat abominable en décembre 2017 d’Ibrahim Abu Thurayyah, ce héros palestinien double amputé qui a été abattu dans le ghetto de Gaza… alors qu’il manifestait avec un drapeau palestinien… par un soldat israélien dont la sauvagerie rappelle celle des soldats allemands quand ils réprimaient le soulèvement du ghetto de Varsovie… La répression contre Ahed Tamimi, jeune héroïne palestinienne de 16 ans, et symbole de notre résistance populaire, pour avoir osé gifler l’occupation à la face, au propre comme au figuré… Tout cela révèle non seulement un oppresseur brutal mais aussi un régime d’oppression moralement décadent qui s’acharne avec une cruauté et un désespoir sans borne après avoir réalisé que la base de son soutien à travers le monde est en train de s’éroder rapidement.
Faisant partie de ce grand peuple qui, contre toute attente, reste inébranlable et résiste, je répète que toutes leurs intimidations et leurs brimades ne me dissuaderont jamais de faire ce qui est juste – en poursuivant ma modeste contribution à la lutte de mon peuple pour sa libération.
Comme presque tous les Palestiniens, jamais je ne pourrai accepter l’esclavage comme un destin, et jamais je ne cesserai le combat contre l’oppression, jusqu’à ce que nous puissions vivre dans la justice et la dignité.
Maman, pardonne-moi, je ne serai pas physiquement à ton côté en ce moment qui sera pour toi éprouvant. Notre sacrifice est insignifiant comparé aux sacrifices si douloureux de notre peuple. Mais je serai avec toi en esprit, et je sais que tu me soutiens avec fermeté pour faire face à leurs brimades et pour leur crier : « Nous vaincrons ».
Certains d’entre vous demanderont : « que pouvons-nous faire pour aider ? Devons-nous envoyer des lettres aux autorités pour faire pression sur elles ? ». Comme la plupart d’entre vous le devineront, ma réponse est : rien venant de l’extérieur ne peut exercer une pression sur le régime d’occupation et l’apartheid d’Israël autant que BDS. Le temps de la conciliation et des appels obséquieux pour qu’ils respectent nos droits doit prendre fin.
Pour aider à nous libérer d’Israël, je demande plus de campagnes BDS, créatives, stratégiques et soutenues, débouchant sur des sanctions internationales effectives, semblables à celles qui furent imposées à l’apartheid sud-africain. Alors seulement, la justice pourra prédominer.
Cordialement
Omar Barghouti
Traduction : JPP pour BDS France Montpellier