Israël expulsé du sommet de l’Union africaine
Dans ce nouveau numéro (*) , Saïd Bouamama se penche sur 3 questions liées entre elles : la réaction de la CEDEAO au sommet Mali-Burkina-Guinée, l’expulsion de la délégation israélienne du sommet de l’Union africaine et l’élection du président des Comores.
Rappelons que c’est en juillet 2021 que le président de la Commission de l’Union Africaine Moussa Faki décide d’octroyer le statut de membre d’observateur à Israël sans consulter les instances prévues pour ce type de décision.
De nombreux pays ont dénoncés cette décision unilatérale, à commencer par deux membres de poids de l’Union Africaine, l’Algérie et l’Afrique du Sud. L’ampleur des contestations a conduit à soumettre la question au sommet des chefs d’Etat de l’Union Africaine en février 2022 qui a décidé de mettre en place un comité composé de 7 chefs d’Etat ayant comme objectif d’émettre des recommandations. Cette décision signifiait la suspension du statut d’observateur d’Israël jusqu’à décision des instances légales de l’Union Africaine.
L’envoi d’une délégation israélienne au sommet de l’Union Africaine est une nouvelle tentative d’obtenir par la ruse un statut qui lui est pour l’instant refusé de droit.
Le président de la Commission de l’’Union Africaine, qui est pourtant celui qui a tenté d’imposer Israël illégalement, le reconnait lui-même, je cite :
« Nous n’avons pas invité des officiels israéliens à notre sommet. Nous avons constaté qu’il y a une personnalité qui est rentrée dans la salle avec un badge. Et naturellement, nous lui avons demandé de quitter les lieux. Nous sommes en train de faire des investigations. D’ailleurs, c’est une personnalité qui ne réside pas ici, elle est venue d’Israël. Nous n’avons invité aucun officiel (israélien). Nous menons les investigations pour situer les responsabilités »
Le représentant de l’ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud analyse l’envoi de cette délégation comme une tentative de faire imploser l’Union Africaine et une volonté d’Israël de saper le sommet d’Addis Abeba de celle-ci.
Dès Octobre 2021 l’Algérie avertissait en effet, par la bouche de son ministre des Affaires étrangères de l’existence de je cite « profondes divisions » et mettait en garde contre, je cite
« des décisions pouvant conduire à des cassures irrattrapables au sein de l’Union Africaine à cause de la décision irresponsable de Moussa Faki »
L’Afrique du Sud pour sa part a réaffirmé sa position qui est la même depuis le premier mandat de Nelson Mandela, je cite :
« L’ANC s’oppose à ce que l’UA accorde à l’Israël de l’apartheid un statut d’observateur. L’histoire coloniale de l’Afrique et la nature oppressive actuelle d’Israël envers la Palestine exigent que toutes les pressions soient exercées pour le bien de tous les Palestiniens ».
Comprendre l’enjeu réel de la demande israélienne de siéger à l’Union Africaine nécessite de la resituer dans un temps plus long. A chaque fois qu’un vent anticolonial radical a soufflé sur le continent ou sur une partie de celui-ci, nous avons assisté à un activisme israélien sur le continent.
Ce fut ainsi le cas dans la décennie soixante lorsque le groupe de Casablanca dénonçait l’instauration du néocolonialisme. Lors de la création de ce groupe en janvier 1961, Mohamed V, Sekou Touré, Modibo Keita, Gamal Abdel Nasser, Kwame Nkrumah et les représentants du FLN algérien encore en guerre de libération contre l’Etat français, résumait comme suit dans la déclaration finale le rôle d’Israël en Afrique, je cite :
« Israël n’a cessé d’apporter son appui à l’impérialisme toutes les fois qu’une question concernant l’Afrique était posée, en particulier à propos de l’Algérie, du Congo et des expériences nucléaires en Afrique. Aussi la conférence dénonce Israël comme un instrument au service du colonialisme ancien et nouveau, non seulement au Moyen-Orient, mais également dans toute l’Afrique. »
Ces avertissements des pères fondateurs des indépendances et du panafricanisme sont à prendre au sérieux au moment où s’exprime un nouveau vent anticolonial en Afrique que concrétise entre autres les évolutions du Mali, du Burkina et de la Guinée mais aussi le refus de nombreux États du continent de participer aux sanctions contre la Russie.
(*) Chaque semaine, Saïd Bouamama publie une analyse dans sa rubrique “Le Monde vu d’en bas” sur le site Investig’action
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Publié le 23 février 2023 sur Investig’action
Vidéo et photo via Europalestine