Le coronavirus sous occupation: Israël continue à faire des arrestations et des attaques contre des maisons en Cisjordanie

armée

Invasion et destruction des domiciles des palestiniens par l’armée israélienne pendant la pandémie.

Security forces

16 avril 2020 – B’TSELEM

(B’TSELEM est une ONG des droits humains israélienne qui opère dans les territoire occupés afin de dénoncer les violations du droit et les exactions israéliennes. NDLR)

Le monde entier est à l’arrêt, mais l’armée israélienne conduit sa violente routine d’occupation à travers la Cisjordanie. Du 1er mars au 3 avril 2020, les forces de sécurité israéliennes ont attaqué 100 maisons en Cisjordanie et arrêté 217 Palestiniens, dont 16 mineurs. 40% des détenus et 60% des mineurs ont été arrêtés entre le 12 mars et le 3 avril 2020 – après le resserrement des restrictions de déplacement par Israël et l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie.

Les chercheurs de B’Tselem sur le terrain ont documenté des attaques de nuit sur 12 maisons, dont huit appartiennent à des membres d’une famille élargie. Dans chaque cas, les soldats sont entrés de force et ont réveillé toute la famille. Dans certaines situations, les soldats ont enfermé tous les membres de la famille dans une seule pièce pendant qu’ils mettaient le reste de la maison sens dessus dessous. Certaines attaques ont duré trois heures environ.

L’invasion de sa maison par des soldats armés, un événement violent en soi – et en pleine nuit de surcroît – est toujours terrifiante. La terreur « ordinaire »  est maintenant amplifiée par la peur particulière d’attraper le coronavirus de la part d’étrangers qui s’introduisent chez vous et y restent quelque temps. La peur ne diminue pas après le départ de soldats. Chaque famille dont la maison a été attaquée continue à se faire du souci à la fois pour ceux qui restent et pour ceux qui ont été arrêtés et emmenés. La pratique militaire de ne jamais informer les gens sur le lieu où leurs êtres chers sont détenus ni sur quand ils seront libérés augmente l’anxiété.

 

0clip_image002.png

Les suites de la violente fouille de la maison de Mouna et Nasser Murur à Budrus. Photo publiée avec la permission de la famille

 

Plusieurs cas documentés par les chercheurs de B’Tselem sur le terrain vont être exposés ci-après. La Cisjordanie étant fermée, les témoignages ont été donnés par téléphone.

18 mars 2020: La famille a-Sheikh, Ramallah

Le mercredi 18 mars 2020, vers 4h du matin, des soldats vêtus de combinaisons de protection ont fait irruption dans la maison de la famille a-Sheikh à Ramallah. La mère et ses trois enfants, dont le plus jeune a 9 ans, étaient à la maison. Trois soldats sont entrés dans la maison et 15 autres l’ont encerclée. Les trois soldats sont allés de la chambre de la mère aux deux chambres des enfants, réveillant tout le monde, puis ont fermé les portes et ne les ont pas laissés sortir des chambres. Ils sont entrés dans la salle de télévision, où dormait le fils aîné, ‘Imad, âgé de 24 ans, le visage couvert d’un masque ; ils lui ont ordonné de mettre des gants et lui ont attaché les mains dans le dos. Environ 15 minutes plus tard, ils sont partis et l’ont emmené. Pendant l’attaque, ils ont empêché la sœur d’Imad, Rula, âgée de 23 ans, de documenter leurs actes et ont confisqué son téléphone portable ainsi que celui de son frère de 9 ans et n’en ont rendu aucun.

Les soldats n’ont pas dit à la mère où ils emmenaient ‘Imad. La famille fut informée le lendemain par le Club des Prisonniers Palestiniens qu’il avait été emmené au centre de détention de Kishon (Jalameh) et resterait en garde à vue une semaine. Plus tard, l’organisation a dit à la famille qu’Imad avait été accusé de lancer des pierres et transféré de Kishon à une prison du sud d’Israël où il était à l’isolement, après que quelqu’un qui avait été détenu avec lui et libéré avait été diagnostiqué positif au COVID-19.

Une audience en détention provisoire est prévue pour ‘Imad le 6 avril.

Rula a-Sheikh a décrit la nuit de l’arrestation dans un témoignage qu’elle a donné au chercheur de terrain de B’Tselem, Ilyad Hadad, le 21 mars 2020 :

Mon jeune frère et moi dormions dans nos chambres, ma mère était dans la sienne et ‘Imad dans la salle de télé. Je me suis réveillée avec frayeur quand j’ai entendu des pas et du bruit dans la maison. J’ai vu que des soldats avaient fait sauter la porte d’entrée et étaient entrés. Pendant l’attaque j’étais vraiment terrorisée, surtout parce que mon père n’était pas à la maison cette nuit-là. Les soldats avaient une allure effrayante avec leurs combinaisons de protection et leurs masques. Ils avaient l’air d’astronautes ou d’aliens. Ils sont entrés sans permission, ne nous ont montré aucun mandat et n’ont eu aucun respect de notre vie privée à l’intérieur même de note maison. Nous étions tous en pyjama, dans nos lits.

Les soldats avaient l’air stressés. Il était évident qu’ils ne voulaient rien toucher de nos objets et de nous-mêmes. Ils allaient de pièce en pièce en vérifiant de loin qui y était. J’ai tenté de quitter ma chambre mais l’un d’eux m’a repoussée violemment à l’intérieur. Ils ont pris ’Imad dans la salle de télé. C’était comme un enlèvement. Ils sont partis au bout d’un quart d’heure. Ils n’ont même pas fouillé la maison.

Ils ont confisqué mon téléphone portable quand j’ai essayé de les filmer et ne me l’ont pas rendu. Ils ont aussi confisqué celui de mon jeune frère.

Nous étions très préoccupés pour ‘Imad, surtout maintenant avec l’irruption du coronavirus. Nous n’avons aucune idée de ce qu’il se passe dans les prisons. Penser à ce qu’il pourrait arriver là-bas, en particulier à cause des difficiles conditions dans lesquelles les Israéliens gardent les détenus palestiniens, est très effrayant. De ce que nous entendons, il n’y a pas de services médicaux et même pas une hygiène minimale. Que se passera-t-il, Dieu nous garde, si la maladie se répand dans toute la prison ? Ce serait un désastre.

19 mars 2020: Trois maisons du camp de réfugiés de Deisheh dans le district de Bethléem.

Le jeudi 19 mars 2020, vers 5 heures du matin, environ 10 soldats, certains vêtus de tenues de protection, sont entrés dans trois maisons dans la partie Est du camp de réfugiés de Deisheh. Ils ont fait sauter les portes d’entrée et arrêté les habitants : Ramez Milhem, âgé de 23 ans, Mustafa al-Hasnat, âgé de 21 ans et Yazan al-Bal’awi, âgé de 20ans. Ils ont revêtu les trois hommes de tenues de protection, les ont menottés et conduits vers des jeeps militaires stationnées non loin de là. L’attaque a duré à peu près 20 minutes.

Quelques jours plus tard, la Croix Rouge a informé les familles que les hommes avaient été emmenés au centre de détention de Kishon (Jalameh), où ils ont été placés en isolement pour 14 jours à cause de la diffusion du coronavirus dans le pays. Pendant la période d’isolement, les détenus n’ont pas eu le droit de parler à leurs avocats. Des ordres de détention administrative de six mois ont été publiés à l’encontre des trois hommes.

Dans un témoignage donné au chercheur de terrain de B’Tselem, Mousa Abou Hashhash, le 21 mars 2020, Tamer Milhem a décrit l’arrestation de son frère Ramez :

Je vis avec mes parents, cinq frères et sœurs et deux tantes du côté de mon père.

Le 19 mars 2020, vers 5h du matin, nous nous sommes réveillés dans la peur quand la porte d’entrée a explosé. Elle a été brisée et elle est tombée au sol. Dix soldats environ sont entrés dans la maison. Certains parmi eux portaient des tenues de protection. Ils ont demandé après mon frère Ramez, qui est étudiant à l’université et a déjà été arrêté auparavant. L’officier nous a dit de ne pas bouger et quelques soldats en tenue de protection sont entrés de force dans sa chambre. Ils lui ont tendu une tenue de protection et lui ont dit de la mettre.

J’ai vu Ramez sortir de la chambre. Un des soldats l’a menotté et lui a mis un bandeau sur les yeux. Mon père a essayé de les convaincre de ne pas l’arrêter, à cause de la survenue du coronavirus et de peur qu’il en soit atteint, mais les soldats lui ont crié de rester tranquille. Ma mère et mon père ont essayé d’attraper Ramez et d’empêcher les soldats de l’emmener, mais alors les soldats ont lancé deux grenades assourdissantes pour nous effrayer. L’une a atteint le mur de la salle de séjour où elle a fait un trou et l’autre a touché l’entrée et a cassé des fenêtres.

0clip_image004.png

Dommages causés à la salle de séjour par la grenade assourdissante lancée par les soldats. Photo publiée avec la permission de la famille

Nous avons regardé par la fenêtre les soldats qui emmenaient Ramez à pied en direction du quartier voisin, qui est à peu près à deux km. Nous avons découvert par la suite que les soldats avaient arrêté deux autres personnes du camp et que tout cela se passait très vite là aussi, en quelques minutes.

Quelques jours plus tard, la Croix Rouge nous a dit que les détenus avaient été emmenés au centre de détention d’Etzion et de là à la prison de Jalameh (Kishon) où ils avaient été mis à l’isolement pour 14 jours.

Nous n’avons pas eu la possibilité de parler à mon frère ni de lui rendre visite depuis son arrestation. L’avocat nous a appris qu’il y avait une audience et qu’il était maintenu en détention provisoire jusqu’au 2 avril. 

Ma mère est très inquiète pour mon frère. Elle a peur qu’il attrape le coronavirus. Nous essayons tout le temps de la rassurer, mais je suis aussi très soucieux pour elle et pour Ramez.

0clip_image006.png

Dommages causés à l’entrée de la maison par la grenade assourdissante lancée par les soldats. Photo publiée avec l’autorisation de la famille.

 

Sahar al-Hasnat, âgée de 20 ans, a raconté l’arrestation de  son frère, Mustafa, dans un témoignage recueilli par le chercheur de terrain de B’Tselem Mousa Abu Hashhash le 27 mars 2020:

Je vis avec mes parents et six frères et sœurs.

Le 19 mars 2020, vers 5 h du matin, nous nous sommes éveillés au bruit de l’explosion de la porte d’entrée. La porte est tombée et environ dix soldats sont entrés dans la maison. Nous nous sommes plaints de la violence de leur entrée, ce qui a mis en colère certains d’entre eux qui ont poussé mon frère Mustafa. Puis, l’un des soldats lui a mis un bandeau sur les yeux, l’a menotté et fait sortir.

Tout cela a été très violent et inhumain, même si cela n’a duré que quelques minutes. Faire exploser la porte et attaquer mon frère, particulièrement  aujourd’hui quand tout le monde a peur de la diffusion du coronavirus, surtout dans la zone de Bethléem.

Depuis l’arrestation de Mustafa, nous sommes très soucieux. Nous avons appris qu’il est détenu en isolement au centre de détention de Jalameh pour 14 jours. Nous n’avons aucun moyen de communiquer avec lui et les avocats ne peuvent pas lui rendre visite non plus, ni même parler avec lui par téléphone, jusqu’à la fin de l’isolement. Nous avons eu ces nouvelles par HaMoked, le centre de défense des personnes, selon lesquelles les audiences du tribunal auront lieu par vidéo après la fin de la période d’isolement. Notre peur ne fait qu’augmenter et les jours passent tellement lentement. Le plus dur c’est pour ma mère. Elle ne peut se calmer et ne fait que pleurer et se faire du souci pour Mustafa. Nous essayons de la rassurer.

J’espère que mon frère et les autres détenus reviendront à la maison en bonne santé.

31 mars 2020, huit maisons de la famille Murar de Budrus et de Ramallah:

Le mardi 31 mars 2020, vers 3h du matin, les forces israéliennes ont attaqué huit maisons appartenant à la famille élargie Murar – une à Ramallah et sept dans le village de Budrus dans le district de Ramallah.

Les soldats sont d’abord entrés dans la maison de Mahmoud (45 ans) et de Mirvat (40 ans) et de leurs trois enfants qui ont de 4 à 10 ans, à Ramallah. Dès qu’ils sont entrés, ils ont arrêté Mahmoud et sont partis. Les soldats sont revenus environ dix minutes plus tard et ont procédé à une violente fouille de la maison.

Peu de temps après, des dizaines de soldats, dont des femmes, avec deux chiens, ont attaqué  sept maisons appartenant aux quatre frères de Mahmoud et à trois de ses neveux, dans le village de Budrus.

Un bâtiment de deux étages dans le centre du village, où vivent deux des frères. Nasser (49 ans) et Mouna (41 ans) Murar vivent au rez-de-chaussée avec leurs cinq enfants âgés de quelques semaines à 20 ans, et la mère de Nasser, Khadidjeh (86 ans). Muhammad (62 ans) et ‘Ayidah (55 ans) vivent à l’étage avec leurs neuf enfants dont deux sont mineurs.

Un bâtiment de trois niveaux ailleurs dans le village, où un autre frère, Na’im Murar (51 ans) vit au premier étage avec sa femme Najah (49 ans) et leurs cinq enfants. Les autres étages sont occupés par leurs fils mariés – Msallam, Malek et Muhammad – et leurs familles.

La maison d’un autre frère, ‘Ayed Murar (61 ans), sa femme Ne’meh (52 ans) et leurs six enfants.

Certains soldats portaient des tenues de protection, et d’autres seulement des masques et des gants. Dans certaines maisons, les soldats sont entrés de force par la porte d’entrée. Les soldats ont enfermé tous les membres de la famille dans une pièce, sous bonne garde, et ont dévasté les maisons. Dans certains cas, ils ont endommagé la propriété, en arrachant des carreaux de céramique des murs et des sols. Les soldats sont restés environ trois heures dans chaque maison.

Mahmoud Murar a ét libéré le 7 avril 2020 avec une caution de 5 000 shekels (1 300 €). Il dit qu’on ne lui a pas dit pourqoui on l’avait arrêté.

Ci-dessous les témoignages de trois occupants des maisons, recueillis par le chercheur de terrain de B’Tselem, Iyad Hadad le 31 mars 2020:

Mirvat Murar, Ramallah:

Les soldats sont entrés sans permission. Ils ont fait irruption par la porte et nous avons eu vraiment peur. Au début, nous ne comprenions pas ce qui arrivait. Ils sont venus avec un gros chien qui reniflait dans toutes les pièces. C’était très effrayant. Je ne souhaiterais cela à personne. Les enfants dormaient et je me faisais beaucoup de souci pour eux. Je me faisais aussi du souci pour mon mari, que les soldats voulaient arrêter. En ce moment je suis peu mobile parce que j’ai une jambe dans le plâtre, et cela me stressait encore plus. J’étais bien sûr affolée aussi à l’idée qu’ils nous donnent le coronavirus.

Quand les soldats sont entrés, ils ont immédiatement lancé une tenue de protection à mon mari et lui ont ordonné de la mettre. Puis ils ont pris sa carte d’identité et ses clefs de voiture et l’ont conduit dehors. Nous ne savions pas où ils l’emmenaient. Au bout de 20 ou 30 minutes, ils sont partis.

Je n’ai pas maîtrisé ce qu’il s’est passé, j’étais en état de choc. Je suis restée à la maison avec mes trois jeunes enfants et la porte abîmée. J’ai appelé des parents de mon mari dans le village de Budrus pour que l’un d’eux vienne m’aider, parce qu’actuellement on ne peut demander d’aide à personne étant donné que tout le monde a peur du coronavirus.

Dix minutes plus tard environ, les soldats sont brusquement revenus avec le chien. Ils se sont répandus dans toutes les pièces, ont réveillé les enfants et nous ont mis tous dans la salle de séjour. Ils ont commencé à chercher et fouiller dans tout ce qu’il y a dans la maison, y compris dans les meubles. Je tenais mes enfants qui se sont réveillés en peur et étaient sous le choc, et j’ai essayé de les calmer. Le chien faisait encore plus peur aux enfants, même si un des soldats le tenait.

Environ un quart d’heure avant qu’ils s’en aillent, vers 6h du matin, deux soldats m’ont forcée à descendre dans le parking de l’immeuble avec eux, alors même que je leur avais dit que j’avais du mal à marcher avec le plâtre. Ils m’ont menacée avec une arme et je n’ai pas eu d’autre choix que d’aller avec eux. J’ai pris l’ascenseur et quand je suis arrivée au parking, j’ai vu qu’ils avaient déjà fouillé notre voiture. Ils avaient ouvert toutes les portes, le capot, le coffre et enlevé toutes les housses de sièges. Ils avaient essayé de faire démarrer la voiture mais n’y étaient pas arrivés. Alors ils m’ont dit de le faire, mais je n’ai pas pu, je ne sais pas conduire. Puis ils ont été chercher une dépanneuse et ont emporté la voiture.

Nous nous sentions très mal. J’étais incapable de ranger la maison moi-même. Une heure plus tard à peu près, les frères de mon mari sont arrivés. Les soldats étaient allés chez eux aussi mais n’avaient arrêté aucun d’eux. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans eux. Toute la ville est confinée et on n’a pas le droit d’être dehors ni de se déplacer. Les enfants étaient effrayés.

0clip_image008.png

Canapés détruits dans la maison de Na’im et Najah à Budrus. Photo publiée avec la permission de la famille

Na’im Murar, Budrus:

Cette nuit-là, le calme régnait dans le village. Je fais partie du comité d’urgence du village et nous étions tous à surveiller la circulation d’entrée et de sortie du village à cause de la diffusion du coronavirus qui frappe le monde entier. Il ne nous est jamais venu à l’esprit que les soldats pourraient attaquer notre village, surtout alors que tout le monde est préoccupé par la lutte contre le virus.

Vers 3h du matin, j’ai demandé la permission au comité d’urgence de quitter la maison pour aller à Ramallah aider la femme de mon frère Mahmoud et ses jeunes enfants, après qu’elle m’ait appelé et m’ait parlé de l’attaque et de l’arrestation de mon frère. Mon frère Muhammad est venu avec moi et nous nous sommes préparés à aller là-bas, mais avant que nous ayons pu le faire, plus de 30 soldats sont arrivés dans notre immeuble familial. J’ai l’habitude de leurs descentes et de leur barbarie. Ils ne me font pas peur. L’armée et l’ISA (l’Autorité de Sécurité d’Israël) m’ont arrêté plusieurs fois. Mais cette fois, j’ai eu peur à cause du coronavirus. J’étais soucieux à l’idée que les soldats et le chien puissent être malades et nous infecter.

J’ai essayé de les stopper, mais ils m’ont attaqué. Ils m’ont poussé, m’ont menacé avec une arme et m’ont forcé à m’asseoir dans le séjour. La même chose s’est produite pour mon frère Muhammad qui venait spécialement pour aller avec moi à Ramallah. Les soldats ont forcé tous ceux vivant dans le bâtiment, 13 personnes, à se rassembler dans le séjour – femmes, jeunes et enfants. Pendant ce temps-là, les chiens rôdaient autour de nous. Ils nous ont forcés à nous asseoir vraiment près les uns des autres, alors que nous avions pris des précautions jusque là, du fait des instructions données par le ministre palestinien de la santé, à rester aussi distants les uns des autres que possible.

J’ai tenté d’argumenter, mais ils n’y ont pas prêté attention. Chaque fois que nous essayions de dire quelque chose, ils nous menaçaient de leurs armes et nous interdisaient de parler. Pendant l’attaque, j’ai vu des soldats dans tous les coins de la maison. Nous les avons entendus, par la cage d’escalier, fouiller dans les appartements des étages au-dessus de nous et faire des dégâts. Je leur ai dit : « Quoi, pas d’humanité, pas de pitié ? Comment pouvez-vous traiter des femmes, des enfants, toute une famille, de cette manière ? N’avez-vous pas de compassion ? Ne craignez vous pas de nous transmettre le virus ? Mais ils nous ont ignorés.

De temps en temps, l’un d’eux me demandait comment nous avions eu des armes. Je lui ai dit : « Vous cherchez et fouillez la maison. Si vous trouvez des armes, prenez moi et arrêtez moi. Je sais que je n’ai pas d’arme et je vais porter plainte contre vous avec toutes les organisations de défense des droits humains locales et internationales sur vos crimes envers nous ».

Il leur a fallu trois heures avant de partir, vers 6  du matin. C’est alors seulement que j’ai découvert comment ils avaient attaqué les maisons de mes trois frères qui sont aussi dans le village. Ils ont scruté tout l’intérieur des meubles de mon appartement et de ceux de mes trois frères mariés – Malek, Msallam et Muhammad. Ils ont déchiré le rembourrage des canapés, brisé des pots de plantes et des tableaux dans l’entrée de ma maison.

En dehors des dommages qu’ils ont causés, ils ont vraiment effrayé les femmes et les enfants et fait empirer l’inquiétude de chacun sur le coronavirus. Quand ils sont partis, nous avons appelé le comité palestinien de protection civile et d’urgence pour désinfecter la maison et les meubles.

0clip_image010.png

Les suites de la fouille violente dans la maison de Mouna et Nasser à Budrus. Photo publiée avec la permission de la famille

Mouna Murar, Budrus:

Mon mari, Nasser, n’était pas à la maison cette nuit-là. Il travaille dans le comité d’urgence du village, qui fait respecter le confinement imposé par la diffusion du coronavirus. C’était calme. J’ai été réveillée par un bruit extérieur et me suis levée pour voir ce qu’il se passait. J’ai vu un gros effectif de soldats, une trentaine, déployé devant la maison. Ils se préparaient à attaquer la maison. Nous avons essayé de leur ouvrir la porte avant qu’ils ne la cassent et nous avons alors entendu l’un d’eux nous dire de rester à l’écart de la porte. Nous avons obéi. Je suis allée réveiller mes cinq jeunes enfants pour qu’ils ne soient pas  réveillés par la frayeur à la vue des soldats. Mon fils de 20 ans, Aws, a pris mon bébé qui a un mois.

Les soldats ont fait irruption dans la maison en quelques secondes. Ils se sont dispersés dans les chambres des enfants. Ils n’ont pas voulu nous laisser moi, ma fille de 18 ans ou ma belle-mère Khadijeh nous couvrir la tête. Ils se comportaient de façon hystérique, comme s’ils cherchaient quelque chose de dangereux et ne nous expliquaient pas ce qu’ils faisaient là.

Ils m’ont pris mon téléphone au tout début et m’ont forcée, ainsi que les enfants et ma belle-mère, à nous asseoir dans le séjour sans bouger. Ils circulaient dans toute la maison, entrant et sortant à chaque instant. Deux soldats sont restés avec nous, pointant leurs armes sur nous. Ils étaient très tendus. D’autres soldats sont allés chez mon beau-frère, Sheikh Muhammad Murar, âgé de 62 ans, à l’étage supérieur. Muhammad n’était pas chez lui à ce moment-là, seuls sa femme et ses enfants y étaient.

Un des soldats a commencé à nous demander : « Où est père ? Où est père ? Nous comprenions qu’ils cherchaient mon mari et nous avons dit qu’il n’était pas là. J’ai demandé qu’ils me rendent mon téléphone pour pouvoir l’appeler et lui demander de venir, mais ils ont refusé.

Chaque fois que l’un des enfants parlait ou demandait quelque chose, ils disaient seulement : « Chut, reste tranquille ». Quand l’un des enfants a demandé à aller aux toilettes, ils ont refusé. Au bout de deux heures j’étais très fatiguée. Je suis à un mois après mon accouchement avec césarienne et encore faible. J’ai demandé aux soldats d’aller aux toilettes, mais ils ont encore refusé. Quand j’ai insisté, ils ont demandé à une soldate de venir me chercher dans la pièce. Elle est venue avec un chien et m’a fait me déshabiller à côté de lui. J’avais peur qu’il m’attaque. Après ça, ils ont amené le chien dans les toilettes et seulement à ce moment-là m’ont laissée y aller. Quand j’ai eu fini, ils m’ont fait suivre par le chien. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait tout cela. Cela m’a vraiment effrayée ainsi que les enfants qui étaient somnolents. Ils étaient sous le choc.

Au bout d’environ une heure et demie, un officier est venu donner des instructions aux soldats. Dès son arrivée, ils ont rassemblé les cadres, dessins, images de Abou Amar (Yasser Arafat) et des drapeaux palestiniens qui étaient dans les pièces  – tout ce qu’ils trouvaient qui était porteur d’un symbole palestinien. Ils ont tout empilé devant nous et l’officier a demandé à mon fils Ahmad de 15 ans si cela lui appartenait. Il lui a posé un tas de questions et Ahmad était effrayé  et ne savait quoi répondre. Je suis intervenue et lui ai dit que ces objets n’étaient pas interdits et que chaque maison en avait. j’ai demandé pourquoi ils attaquaient notre maison et l’officier n’a pas répondu. 

0clip_image012.png

Un carreau enlevé du sol par les soldats dans les toitlettes de Mouna et Nasser Murar à Budrus. Photo publiée avec la permission de la famille

Alors que nous étions assis là, j’ai entendu les soldats bouger les meubles et les abîmer dans toute la maison, y compris dans la cuisine et dans la salle de bains. Je les ai entendus arracher du carrelage de sol. Ils ont continué à chercher et à nous garder comme cela jusqu’à 6h du matin environ.  

Dans la matinée, après leur départ, nous avons vu l’état dans lequel était la maison. Dans ma chambre ils n’ont rien laissé en place. Tous les meubles et les vêtements étaient en désordre. Ils ont enlevé les tiroirs et toutes les portes de placards étaient ouvertes. C’était effrayant à voir. J’ai pensé : qui va ranger tout ce gâchis ? Ils ont arraché deux carreaux du sol de la salle de bains.

La première chose que nous avons faite a été de nous assurer que la maison soit désinfectée. Des gens du comité de protection civile et d’urgence sont venus et ont vaporisé tout ce qui était dans la maison – les portes, les placards, les meubles, les vêtements et la vaisselle – avec du désinfectant. Après, nous avons attendu jusqu’à l’après midi pour que l’effet des agents désinfectants qui avaient été vaporisés disparaisse et seulement alors nous nous sommes tous mis à ranger. Ils ont perturbé notre vie, affolé les enfants et nous ont rendus inquiets.

0clip_image014.png

Les conséquences de la fouille violente de la maison de Mouna et Nasser Murar à Budrus. Photo publiée avec la permission de la famille

 

Traduction SF pour Campagne BDS France Montpellier

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *