Le fleuve de sang
Faits récents (10 janvier –16 janvier)
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Neuf Palestiniens tués par l’armée israélienne ou par des colons. Quatre d’entre eux ont été tués le même jour, le 12 janvier, puis 3 le 14 janvier, et 2 le 16 janvier.
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Le gouvernement israélien a annoncé qu’il allait mettre en œuvre une série de mesures punitives contre l’Autorité palestinienne (AP) pour répliquer à l’action qu’elle mène afin que la Cour internationale de justice se prononce sur l’occupation poursuivie par Israël depuis des décennies.
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Des groupes palestiniens de résistance armée continuent à tenir tête à des invasions israéliennes de localités et de camps de réfugiés palestiniens, notamment dans les districts de Naplouse et de Jénine.
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En moins de deux semaines, depuis le début de l’année, Israël démolit plus de 63 constructions palestiniennes et déplace 85 Palestiniens.
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L’Autorité palestinienne persiste à cibler des militants politiques et des jeunes.
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Les détenus politiques palestiniens multiplient les actes de désobéissance dans les prisons israéliennes tandis que les mauvais traitements commis par les gardiens augmentent et que les droits fondamentaux des détenus sont bafoués.
Examen approfondi
Au moment où la deuxième semaine de 2023 se terminait, un total de 14 Palestiniens étaient morts en martyrs depuis le début de l’année. Depuis le nord jusqu’au sud de la Cisjordanie, l’offensive israélienne contre la résistance s’amplifiait. Entre mercredi [11 janvier] et jeudi, 4 Palestiniens ont été abattus sur un rythme soutenu. Samedi, 3 autres leur ont succédé, puis il y en eut encore deux dimanche et lundi, le total de la semaine atteignant 9 martyrs.
Il s’agit donc d’une des semaines les plus sanglantes depuis le meurtre de 11 Palestiniens l’an dernier, entre le 28 novembre et le 5 décembre. Cela indique clairement que la campagne militaire israélienne en Cisjordanie va continuer à se dérouler avec une intensité croissante au long des mois à venir.
Sur un certain plan, ce n’est pas étonnant. Le niveau de résistance dans le camp de réfugiés de Jénine reste aussi élevé que jamais. Le camp est devenu en quelque sorte une “zone libérée”, où l’armée israélienne évite de s’enfoncer, pendant que divers autres groupes armés se développent dans un périmètre plus large autour de Jénine. Les combattants de la résistance venus du camp qui ont été assassinés ces derniers mois ont été tués aux lisières du camp ou lorsqu’ils se sont hasardés à en sortir. Mais tant que Jénine restera un bastion de la résistance armée non redevable devant l’AP, Israël continuera à s’efforcer de l’éliminer.
Les Brigades Al-Quds du Jihad islamique palestinien restent les plus actives, donnant naissance à diverses « brigades » dans tout le secteur de Jénine, notamment la « Brigade Jaba’ », dont deux membres ont mené une opération de résistance samedi [14 janvier] et ont été abattus par balles dans leur voiture par l’armée israélienne tandis qu’ils battaient en retraite. La voiture criblée de balles des deux combattants tués, Izz Eldin Hamamra et Amjad Khaliliyeh, évoquait l’assassinat en février 2022, à Naplouse, d’Ashraf Mubaslat, Adham Mabrouka et Mohammed Dakhil, membres de la « Brigade de Naplouse » qui allait plus tard se transformer en Fosse aux lions.
Au début de cette semaine, quatre Palestiniens ont été tués en un seul jour en Cisjordanie, le 12 janvier. Dans le Nord de la Cisjordanie, 2 Palestiniens ont été tués à Qabatya, dans le district de Jénine, et 1 dans le camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse. Dans le camp de réfugiés de Qalandia, en bordure de Ramallah, un père de famille de 41 ans est mort, atteint à la poitrine par un tir d’arme à feu alors qu’il était sur le toit de sa maison pendant l’arrestation de son fils.
Les autres martyrs se trouvaient dans divers secteurs de la Cisjordanie —Yazan al-Ja’abari, 19 ans, qui a succombé à des blessures reçues antérieurement lors d’un raid de l’armée israélienne à Kufr Dan, Jénine ; Ahmad Kahla, 41 ans, de Ramoun, Ramallah, abattu par des tirs israéliens le 15 janvier ; et Omar Khmour, 14 ans, du camp de réfugiés de Dheisheh à Bethléem, mort le 16 janvier, touché au début de ce même jour par une balle dans la tête lors d’un raid de l’armée israélienne.
Mais tandis que l’offensive se généralise dans toute la Cisjordanie, l’essentiel de l’assaut se concentre sur le secteur de Jénine, région qui a fait preuve, au fil de l’histoire, d’une résistance particulièrement farouche face à l’invasion coloniale. Cependant, un des problèmes posés par la dynamique de l’affrontement à Jénine est que le camp de réfugiés n’a pas de point naturel de friction avec l’armée israélienne, ce qui veut dire que le camp est plutôt devenu un refuge défensif qui ne peut que tenter de repousser les agresseurs. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles les groupes armés se sont étendus dans les zones qui entourent Jénine, où d’autres lieux d’affrontement peuvent être trouvés ou créés.
Le danger de cette campagne israélienne qui ne cesse de se déployer est que le camp de réfugiés de Jénine est maintenant dans une position fragile dès lors que les organisations de résistance continuent à s’y abriter. Dans les mois à venir, l’offensive israélienne peut s’intensifier au point d’assiéger Jénine, d’une façon analogue à ce qui s’est produit à Naplouse l’an dernier. À tout le moins, elle peut assiéger le camp dans l’espoir de « briser la vague » une fois pour toutes.
Toute escalade de cette sorte, cependant, va nécessairement donner lieu à une résistance accrue, et même à des attaques plus nombreuses du type “loup solitaire” contre des cibles israéliennes, comme dans le cas de l’opération menée par Udai al-Tamimi au checkpoint militaire de Shu’fat au point culminant du siège de Naplouse.
C’est un équilibre délicat, et Israël n’est pas parvenu à le maintenir au cours de l’année qui vient de s’écouler.
Chiffres importants
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14 Palestiniens, dont trois enfants, tués en 2023.
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173 Palestiniens tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est dans la seule année 2022
Traduction SM pour BDS France Montpellier