Les attaques contre des avocats palestiniens soulignent la nature autoritaire d’Israël

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Tribunal de district de Haifa, 2012. (Photo: Wikimedia Commons)

(Article qui relate les problèmes rencontrés par les Palestiniens de 48, avocats, en Israël. NDLR)

 

Réduire au silence des avocats et d’autres voix de la justice n’est qu’un signe de plus que l’État d’Israël n’est pas la démocratie qu’il prétend être.

 

Par Alya Zoabi 26 décembre 2023 1

 

Quatre-vingt un jours ont passé depuis celui qui a révélé ce qui avait été caché pendant 75 ans. 81 jours depuis que la majorité des gens vivant ici ont confirmé ce que nous, Palestiniens de 1948, avons toujours dit. Deux mois de guerre ont été capables de brûler des ponts dont la construction avait nécessité 75 ans, et je ne peux m’empêcher de me demander si nous pourrons nous remettre de tout cela.

Pendant 75 ans, nous avons ignoré les faits devant nos yeux. Comme si la discrimination budgétaire, les démolitions de maisons, le refus de reconnaître des villages comme tels, la brutalité policière et la loi de la nationalité n’étaient pas suffisants pour répondre à la question du monde : est-ce que les Palestiniens de 1948 sont vraiment des citoyens de deuxième classe dans le pays d’Israël ? Les derniers 81 jours ont rendu claire la réponse.

En tant que nouvelle avocate, je devrais rester optimiste sur le système judiciaire, croire que si nous savons comment interpréter la loi, nous devrions être capables de nous en servir. Je devrais croire en l’humanité, et que nous pourrons voir la justice au bout de ce tunnel très sombre. Et puis la guerre arrive, une guerre qui ignore toutes les règles de la guerre, et elle réussit à prouver que ce qui est en réalité au bout de ce tunnel est un train qui va nous écraser tous.

Depuis le 7 octobre, les avocats palestiniens en Israël ont été attaqués par des avocats juifs israéliens extrémistes. Cela a commencé le lendemain des événements. Les avocats arabes ont été verbalement attaqués dans des groupes WhatsApp et on leur a demandé de condamner immédiatement le Hamas. Cela a été suivi par une annonce de l’association du barreau modifiant ses règlements et ses règles pour permettre de licencier immédiatement tout avocat qui « publierait, soutiendrait, louerait ou inciterait à … des actes terroristes et d’autres crimes stipulés dans la loi anti-terrorisme. »

Les campagnes d’incitation à la haine contre les avocats palestiniens ne se sont pas arrêtées là. Les avocats ont été appelés « terroristes » et ont été interrogés à propos de vieilles photos ou de vieux posts sur des réseaux sociaux liés à la Palestinien, sans relation aux événements actuels. Ces posts ont été mal interprétés et traduits faussement, leurs mots ont été mis hors contexte et publiés dans différents groupes, avec des photos des avocats et des membres de leurs familles, qui ont été appelés terroristes et soutiens du Hamas, et à qui on a dit d’aller vivre à Gaza. De plus, des plaintes ont été déposées contre ces avocats par le comité d’éthique du barreau, appelant à les licencier. Ces campagnes de calomnie ont porté atteinte à la réputation des avocats auprès de leurs clients. Plusieurs avocats ont même été illégalement arrêtés à cause de posts sur Facebook, certains étant encore en prison aujourd’hui, accusés de soutenir et d’encourager le terrorisme.

 

Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été accordé à la société palestinienne en Israël la permission de manifester pacifiquement contre la guerre ; des requêtes ont été déposées à la Cour suprême pour annuler cette décision injuste et pour permettre au public d’exercer sa liberté d’expression. Le Centre Mossawa a organisé une réunion pour les avocats arabes afin de discuter la situation actuelle et de suggérer différentes solutions pour mettre fin au silence et l’avocat Khaled Mahag’ni a partagé son inquiétude à propos de la campagne d’incitation à la haine contre les avocats arabes.

« L’incitation à la haine contre les avocats arabes est basée sur la coordination entre l’establishment israélien, celui de la politique et celui de la sécurité, et des groupes juifs extrémistes afin d’empêcher les avocats palestiniens d’exercer leur devoir professionnel et national », a-t-il dit. « Cela se produit en même temps qu’une campagne sans précédent d’arrestations qu’Israël a initiée depuis le début de la guerre pour empêcher toute activité, tout discours politiques palestiniens et pour limiter les droits des Palestiniens, qui ont le droit d’exprimer leur opinion, comme d’appeler à mettre fin à la guerre et de demander la fin du massacre de personnes innocentes ».

Réduire au silence la communauté palestinienne en Israël est une chose, mais réduire au silence des avocats et d’autres voix de la justice n’est qu’un signe de plus que l’État d’Israël n’est pas la démocratie qu’il prétend être. Les avocats palestiniens continueront de plaider pour les droits du peuple palestinien en dépit des féroces campagnes contre eux et des tentatives continuelles pour les réduire au silence à cause de leur foi dans le caractère sacré de la loi, dans des droits égaux pour tous les citoyens et de leur conviction que rien ne peut faire taire nos voix contre l’injustice.

Alya Zoabi est avocate, doctorante et militante pour les droits humains.

 

Trad. CG pour BDS France Montpellier

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