Les signes que vous êtes peut-être un « normalisateur »
Par Haidar Eid (BDS-Gaza)
Article publié en anglais sur le site Mondoweiss le 27 janvier 2017.
La normalisation de l’oppression a toujours été un des outils utilisés par le colonisateur contre la résistance de l’opprimé et du colonisé. Ça ne coûte pas cher et ça marche ! L’indigène se dresse contre l’indigène et tout ce que l’oppresseur a à faire, c’est jouir du spectacle. La Grande-Bretagne, la France, l’Amérique, l’Afrique du Sud de l’Apartheid, sont quelques-uns des colonisateurs qui l’ont utilisée comme outil de domination : ils ont privilégié un secteur de la population colonisée en lui offrant quelques miettes du repas du maître, faisant d’eux des propagandistes consentants qui chantent leurs louages, et « justifient » la colonisation et sa mission civilisatrice.C’est exactement ce que fait Israël–apartheid.
Manifestation contre la normalisation entre Israël et le Maroc, Avril 2016.
Avec l’aide indéfectible des Etats-Unis d’Amérique, eux-mêmes une colonie de peuplement, Israël a pu déposséder le peuple palestinien tout en se présentant comme un pays « moderne », occidental, encerclé par des arabes et musulmans sauvages qu’il opprime, comme une faveur, pour protéger les intérêts occidentaux au Moyen-Orient. Et il ne manque pas d’autochtones palestiniens « civilisés », des janissaires, des « nègres de maison » qui comprennent et peuvent « justifier » le rôle d’Israël. Seuls ces indigènes peuvent apprécier sa modernité, sa « démocratie » et, plus important, sa générosité en leur reconnaissant quelques-uns de leurs droits.
Par conséquent, la machine à hasbara [propagande, ndt.] est capable de créer deux catégories de Palestiniens/Arabes : l’obligé et l’ingrat ! Il y a l’Oncle Tom, l’obligé, le « bon Arabe », dont le but ultime est d’apaiser le maître israélien, ou ceux qui le soutiennent, c’est-à-dire les puissances occidentales.
Ces indigènes, qualifiés de « vendus » par leurs peuples, ne sont pas des normalisateurs intrinsèques, mais ils commencent à en montrer les symptômes, tout en niant avec véhémence qu’ils sont des normalisateurs de l’oppression, de l’apartheid et de la colonisation. Je pense ici à Sadat d’Égypte, aux responsables qataris qui vont régulièrement en Israël, aux émirs saoudiens qui ne se privent pas de rencontrer et même de prendre des selfies avec les criminels de guerre israéliens. Je pense également ici aux dirigeants palestiniens qui défendent la grotesque « coordination sécuritaire » avec Israël, ceux qui croient que « la vie n’est que négociation », nonobstant le fait que le sionisme est une idéologie ethno-religieuse enracinée dans l’exclusion agressive des autres, y compris les « bons arabes » ! Mais la liste comprend aussi ces artistes, ces organisations de la société civile et quelques universitaires qui normalisent pour des raisons très égoïstes, à savoir stimuler leurs carrières et, par conséquent, gagner encore plus d’argent !
Ironiquement, il y a ceux qui normalisent mais affirment ne pas savoir ce qu’est la normalisation, ni avoir la moindre connaissance de la définition convenue du terme, en dépit du fait qu’elle est dans les médias et en ligne depuis 2007. Dans le contexte arabo-palestinien, la normalisation est définie comme « la participation à tout projet, initiative ou activité, en Palestine ou à l’international, qui vise (implicitement ou explicitement) à rassembler des Palestiniens (et/ou des Arabes) et des Israéliens (peuple ou institutions) sans mettre comme objectif la résistance à et la dénonciation de l’occupation israélienne et toutes les formes de discrimination et d’oppression contre le peuple palestinien. »
Bien qu’un consensus existe parmi les Palestiniens et les Arabes pour refuser de traiter avec Israël comme s’il était un État « normal », vous en avez toujours qui plaident l’inverse !
On retrouve des modèles répétitifs dans les arguments avancés par les normalisateurs ; voici des symptômes de normalisation :
1. Vous commencez à en avoir « marre » du « conflit » entre les « deux côtés ».
2. Vous commencez à croire que tout a commencé en 1967.
3. Vous commencez à défendre l’idée de « dialogue » entre les « deux parties ».
4. Vous blâmez les « extrémistes » des « deux côtés », en particulier les « terroristes » palestiniens.
5. Vous ressassez : « on doit blâmer les deux parties pour le bain de sang permanent ».
6. Vous ressassez comme un perroquet : « les deux peuples souffrent et cela doit finir ».
7. Vous devenez plus pragmatique sur le droit au retour, qui devient « impossible à appliquer ».
8. Vous commencez à penser que la meilleure façon de résoudre le dilemme des réfugiés est de trouver une solution « concertée ».
9. La « partition », pour vous, devient LA solution ; deux États pour deux peuples basés sur leurs origines ethno-religieuses ; 77% de la Palestine pour les juifs israéliens, et le reste est négociable.
10. Vous commencez à prêter attention à CNN, la BBC, peut-être Fox News, le NY Times, le Washington Post.
Lorsque le régime sud-africain d’apartheid a essayé de normaliser le racisme et de le justifier, le monde s’y est opposé en entendant l’appel des Sud-Africains autochtones et leurs alliés. Nous approchons, lentement mais sûrement, du moment où l’occupation, la colonisation et l’apartheid d’Israël en Palestine seront traités comme des anomalies qui doivent être isolées, quelles que soient les tentatives de quelques janissaires arabes !
Source : Mondoweiss
Traduction : MR pour ISM