LOI SÉCURITÉ GLOBALE – LOI SÉPARATISME : MÊME ENNEMI , MÊME COMBAT
Manifestation 30 janvier 2021
Les signataires de la déclaration : APLR (Association des Palestiniens Languedoc-Roussillon), BDS France (Campagne BDS France Montpellier), CMM (collectif des Musulmans de Montpellier), D-N ( Décolonial News), FUIQP34 (Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires), UJFP34 (Union Juive Française pour la Paix). 8 février 2021.
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LOI SÉCURITÉ GLOBALE – LOI SÉPARATISME : MÊME ENNEMI , MÊME COMBAT
Le projet de loi Sécurité Globale s’origine dans la gestion coloniale des quartiers populaires
Rares sont ceux qui dans les mouvements sociaux de ces dernières années refusent de reconnaître que les habitant.e.s des quartiers populaires, en grande majorité issu.e.s de l’immigration coloniale, constituent la catégorie de la population qui subit depuis des décennies, dans le cadre d’un racisme structurel, les formes d’exploitation et d’inégalités les plus violentes. Des centaines de morts, un taux de chômage et d’emprisonnement supérieurs aux autres catégories sociales, la « hogra » (mépris) et les humiliations permanentes .
En s’attaquant aux bonnes cibles du pouvoir politique et économique, le mouvement des Gilets Jaunes a été l’objet d’une répression policière et judiciaire rarement égalée. Même s’il a fallu des mois avant de le reconnaître, le fait est établi : les quartiers populaires ont été le laboratoire où se sont expérimentées les méthodes policières, les armes, et les nouvelles technologies de surveillance et de contrôle massif des populations civiles appliquées contre les Gilets Jaunes et les mouvements sociaux. La BAC qui sévit dans les quartiers populaires depuis des années a été « découverte » par certains et violemment critiquée quand elle a « cassé » du GJ…
Aujourd’hui, le pouvoir ébranlé par le mouvement des Gilets Jaunes et la montée des mécontentements veut, via la loi Sécurité Globale, légaliser et étendre à l’ensemble de la population, quartiers populaires inclus (!), le système de surveillance, de contrôle et de répression des populations civiles testé dans les quartiers populaires.
La codification légale des mesures, le « continuum sécurité », l’extension des procédures à des catégories professionnelles jusque là non touchées, l’intégration et la généralisation des technologies numériques dans les domaines de la surveillance, du contrôle et de la répression des populations civiles font de cette loi un panoptique sécuritaire jamais réalisé.
Mais il faut bien comprendre que La loi Sécurité Globale est la reprise et l’extension à toute la population, d’une conception politique du pouvoir basée sur le modèle de la gestion coloniale française (en Algérie en particulier), jusque là réservée aux quartiers populaires, qui fait de chaque individu un.e suspect.e, un.e ennemi.e, un.e terroriste potentiel.le.
Parce que cette vision d’une gestion « coloniale » ne s’appliquerait plus seulement aux quartiers populaires mais menace l’ensemble de tous ceux et celles qui luttent, qui s’opposent aux injustices de ce système libéral-impérialiste, a provoqué une prise de conscience brutale. Le modèle du tout sécuritaire1, est en effet un changement du paradigme « démocratique ». Il marque l’entrée dans un type de société sécuritaire et autoritaire (que certain.e.s appellent déjà fascisation). Cette bienvenue prise de conscience explique l’extraordinaire mobilisation des premières manifestations contre le projet de loi SG. Mais reconnaissons qu’aller dans les quartiers populaires pour les alerter de ce qu’ils subissent depuis plus de 30 ans, sans que le reste de la société s’en soucie (à de rares exceptions près), a peu de chance de les intéresser et peut même être perçu par certain.e.s comme une provocation.
La loi Sécurité Globale et la loi séparatisme, c’est la « double peine » pour les musulman.e.s
On l’a vu, la loi sécurité globale, sa « philosophie » ses méthodes et ses armes, sont déjà appliquées depuis des années dans les quartiers populaires où la BAC n’a pas besoin de l’article 24 de la loi SG pour interdire de filmer : ils confisquent les téléphones, font effacer les vidéos ou tout simplement écrasent le téléphone sous leur talon.
Même si pour les quartiers populaires qui subissent déjà l’essentiel des méthodes et mesures de la SG, la menace n’est pas celle d’un « nouveau » paradigme, cette loi constituerait sans aucun doute une aggravation certaine et extrêmement violente de la répression et des injustices pour les quartiers. Tout ce que le système permettait d’actions policières en marge de la loi, voire illégales, sera désormais la base légale de départ à partir de laquelle pourra s’exercer la « créativité » des BAC et autres BRI…
A cela s’ajoute la loi « séparatisme » où sous couvert de lutte contre d’islamisme, l’ennemi est clairement désigné : les quartiers populaires, l’Islam et les musulman.ne.s.
Cette loi vise au moins un double objectif :
– Diviser les mouvements contestataires pour ne pas affronter une riposte globale (Quartiers populaires, Gilets Jaunes et mouvements sociaux traditionnels) en donnant libre cours au racisme islamophobe au prétexte des attentats terroristes et ainsi accélérer la fabrique de « l’ennemi intérieur » par l’équation « Musulmans = islamistes = terroristes ». Isoler « l’ennemi intérieur » en le présentant comme la cause directe des mesures de la loi « séparatisme » et indirectement de la loi SG. Cette tactique de division fonctionne déjà au niveau des religieux dont certains responsables, non musulmans, soutiennent les mesures contres les associations cultuelles musulmanes et s’indignent d’être dans la cible. Cette réaction est également à l’origine du refus de lutter ouvertement contre la loi séparatisme dans les mouvements sociaux sur la loi SG.
– La campagne idéologique menée autour de cette loi est l’atout majeur de l’exécutif pour mettre en scène le tandem Macron/Le Pen aux prochaines présidentielles. Disputer et rafler les voix du Rassemblement National (RN) à la droite et au RN, c’est le volet électoral de la loi séparatisme. Ce qui en dit long sur le cynisme, le racisme et le mépris du pouvoir à l’égard de « son » peuple.
Dans l’exposé des motifs de la loi , on peut lire :
(…) Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste. Il est la manifestation d’un projet politique conscient, théorisé, politico-religieux, dont l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune que nous nous sommes librement donnée. Il enclenche une dynamique séparatiste qui vise à la division. Ce travail de sape concerne de multiples sphères : les quartiers, les services publics et notamment l’école, le tissu associatif, les structures d’exercice du culte. (…)
Sa caractéristique générale est d’élargir le périmètre des « infractions et des délits», d’augmenter le degré des sanctions pénales et judiciaires ainsi que les peines et le montant des pénalités (prison, amendes etc.).
Concernant les associations c’est le renforcement du contrôle de l’État par une contractualisation qui conditionne les subventions. « (…) toute demande de subvention fait désormais l’objet d’un engagement de l’association à respecter ces principes. La violation de cet engagement a pour conséquence la restitution de la subvention, selon des conditions précisées par décret en Conseil d’État.(…) ». De même l’agrément est « soumis à trois conditions : objet d’intérêt général, fonctionnement démocratique et transparence financière. ». Evidemment les mesures permettant la dissolution sont renforcées etc. La menace est telle que des associations (en majorité non musulmanes) ont lancé un appel : https://www.lacoalition.fr/Loi-separatisme-une-atteinte-inacceptable-contre-les-libertes-associatives-et
Autre exemple, le contenu de l’article 24 de la loi SG se retrouve mais nettement plus répressif dans l’article 18 de la loi séparatisme. Un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour diffusion d’images etc. dans l’article 24 et pour un délit similaire dans l’article 18 c’est 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, à quoi s’ajoute en plus : « Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. »
«Pour gagner, Les blancs d’abord !»
OU TOUTES ET TOUS ENSEMBLE CONTRE LES LOIS LIBERTICIDES ?
Vous connaissez…
Je n’ai rien dit…«Quand ils sont venus chercher les communistes,Je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs,je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les musulmans, je n’ai rien dit, je n’étais pas contre la loi séparatisme. Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour dire quelque chose»
Il ne fait aucun doute que la charge répressive des deux lois cumulées qui pèse sur les habitants des quartiers populaires continue d’être plus lourde et plus féroce que celle qui pèse sur le reste de la population. Dès lors il est difficile de comprendre le refus obstiné du Collectif Danger loi Sécurité Globale de Montpellier d’inclure la loi séparatisme dans son programme et mener de front la lutte contre ces deux lois liberticides majeures.
Lors d’une réunion il a été mentionné pudiquement que l’inclusion de la loi séparatisme aurait suscité des désaccords entre organisations. Il est vrai qu’aujourd’hui l’islamophobie qui est un racisme d’État est la forme de racisme la plus répandue en France et qu’elle traverse l’ensemble des courants politiques et des associations du pays.
Ainsi le mouvement contre la loi SG, initié par la LDH, des avocats et des journalistes, par crainte d’affronter les oppositions islamophobes en son sein, aurait choisi de lâcher la lutte contre l’islamophobie qui frappe les catégories issues de l’immigration coloniale, les plus opprimées et les plus réprimées de notre société, pour ne défendre que les autres catégories sociales ?
Au nom de quoi ? : « On doit se sentir en sécurité entre nous et faire bloc ! » dixit une journaliste ; en voilà une conception de l’« unité » ! ; de l’efficacité ? : « on veut gagner ! » selon une avocate…rien n’est moins sûr sans les quartiers… et à quel prix ?
Dans ce contexte on comprendra que l’interdiction faite à un militant connu et reconnu du quartier populaire de La Paillade, d’origine arabe, français de confession musulmane, de s’exprimer sur les discriminations subies par les habitant .e.s des quartiers populaires et dénoncer les dangers de la loi séparatisme – ce sont les faits – est un acte politique grave, d’une violence de classe et de race inouïe qu’aucune réthorique bureaucratique de fonctionnement ne saurait justifier.
Pire, dénaturer la détermination non-violente de ce militant et la présenter comme une violence physique menaçante mettant en danger des personnes est une manipulation cynique, car calculée et bien menée, n’ayant d’autre but que d’inverser les responsabilités de façon à détourner et masquer la vraie violence politique, lourde de conséquences et de divisions que constitue le refus de ce collectif de lutter contre la loi séparatisme. Il est regrettable et dommageable que de nombreuses associations et organisations soient tombées dans ce panneau. Nous appelons toutes les personnes de conscience et éprises de justice à réagir.
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APLR (Association des Palestiniens Languedoc-Roussillon), BDS France (Campagne BDS France Montpellier), CMM (collectif des Musulmans de Montpellier), D-N ( Décolonial News), FUIQP34 (Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires), UJFP34 (Union Juive Française pour la Paix).
8 février 2021
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1 Imposé depuis plus de 70 ans aux Palestinien.e.s par Israël, le partenaire et conseiller en matière de sécurité de notre gouvernement.