Participer à l’Eurovision 2019 dans la capitale de l’apartheid israélien
Cet article a été écrit et publié avant celui d'électronic intifada. Même s'il fait double emploi nous le maintenons mais vous invitons à lire : "Ne félicitez pas le groupe islandais Hatari d’avoir violé le boycott de l’Eurovision" qui est bien plus complet sur le sujet.
Le beurre, l’argent du beurre
et le sourire du PACBI ?
On ne chante pas avec l’apartheid, on le boycotte !
On ne débat pas avec l’apartheid, on le boycotte !
Par apartheid on entend un régime institutionnalisé fait de lois, codes et règlements et des institutions qui les appliquent. C’est le système constitutif d’un État dont le but est d’instituer et d’entretenir la domination d’un groupe racial humain sur n’importe quel groupe racial d’êtres humains et d’opprimer systématiquement celui-ci.
La loi fondamentale qui fait d’Israël l’État nation (du seul) peuple juif, officialise le système d’apartheid existant depuis la création de cet État.
Le boycott culturel est un boycott des institutions des produits et événements culturels produits ou soutenus par les institutions de l’État d’apartheid israélien et ses relais à l’étranger.
L’Eurovision 2019 s’est tenu à Tel Aviv. Aucun.e des candidat.e.s ne s’est désisté.e malgré les appels répétés de la campagne internationale BDS et de nombreux artistes du monde entier. Certain.e.s s’empresseront de conclure à l’échec du boycott et à son inutilité. Sur cet aspect nous laissons la réponse au Comité National BDS Palestinien qui dirige le BDS international et qui n’hésite pas à déclarer dans un long récapitulatif des faits que : « Le vainqueur de l’Eurovision dans le Tel Aviv de l’apartheid est … le Mouvement BDS pour les droits humains des Palestiniens. »
Nous traiterons ici de deux événements survenus lors de la finale de l’Eurovision et des réactions à ces événements. Sur scène, deux danseurs de Madona ont affiché dans leur dos l’un, un drapeau israélien et l’autre un drapeau palestinien.
Dans les tribunes, le groupe punk islandais Hatari a agité plusieurs écharpes aux couleurs du drapeau palestinien avec le mot : Palestine.
Le million de dollars encaissé par Madona pour participer à l’Eurovision décrédibilise cet affichage des drapeaux qui est perçu comme une tentative (ratée) de blanchiment à peu de frais de cet argent salement gagné. Par contre l’affichage des couleurs palestiniennes par le groupe punk islandais Hatari a suscité sur les réseaux sociaux un fort courant de sympathie y compris et chez les sympathisant.e.s de la cause palestinienne.
LE PACBI DÉNONCE CES INITIATIVES
Dès le 18 mai, le PACBI réagi par un tweet : « La société civile palestinienne rejette massivement ce pseudo geste de solidarité d’artistes internationaux qui passent outre notre appel pacifique au boycott ».
A ce rappel du tweet du PACBI une internaute répond :
Erza Scarlett Fernandez obtient sans délai l’approbation de 207 personnes (qui visiblement n’ont pas été gênées par la formule machiste finale). Ces posts sont représentatifs du courant de sympathie, enthousiaste parfois, suscité par le geste de ce groupe Punk.
Un sentiment de revanche…
Les appréciations dominantes mettent en exergue le courage de ces musiciens d’avoir osé sortir et afficher les couleurs palestiniennes dans un lieu hautement sécurisé devenu le symbole de l’État israélien. La colère et l’humiliation ressenties par des millions de personnes de conscience qui se sont senties impuissantes face à l’injustice d’un tel événement ont trouvé là une revanche. Quel plaisir que de voir les couleurs palestiniennes, symbole de résistance, flotter au cœur de l’apartheid.
Si l’on peut comprendre, sans l’approuver cette réaction émotionnelle et épidermique sur les réseaux sociaux il serait risqué de s’en tenir là. Sans prendre une partie (un article) pour le tout (les positions d’une association) l’article publié avec ce titre des plus surprenants : « Eurovision : les Islandais sauvent l’honneur » encourage à interroger cet emballement général à l’égard de ce groupe islandais.
LA QUESTION QUI EST POSEE EST CELLE DE LA SOLIDARITE :
C’EST QUOI ETRE SOLIDAIRE DE LA PALESTINE AUJOURD’HUI ?
La réaction du PACBI, qui au sein du comité national BDS Palestinien anime les boycotts académiques et culturels le rappelle simplement, calmement mais fermement dans son tweet.
Comme tous.tes les candidat.e.s à l’Eurovision le groupe Hatari a été sollicité et invité à boycotter cet événement et ce d’autant plus que l’Islande est à bien des égards en pointe dans le BDS européen. Les appels ont été nombreux, des palestiniens en premier lieu, des artistes et travailleurs du spectacle, du PACBI, du BNC et tout dernièrement des Centres Culturels et des artistes de Gaza qui sous blocus ont même organisé un contre-événement à l’Eurovision : le Gazavision !
Hatari est allé chanter à Tel Aviv alors qu’une commission de l’ONU vient de caractériser de crimes de guerre les assassinats de manifestant.e.s non-violents de la grande marche du Retour et demande une enquête pour crime contre l’humanité.
En refusant de boycotter ils se sont comportés comme des briseurs de grève. Et aujourd’hui ils seraient acclamés comme les sauveurs de la Palestine ?
Ils ont refusé de boycotter en disant qu’ils étaient pour le « dialogue critique » : « On y va mais vous allez voir ce que vous allez voir, on va sortir le drapeau palestinien. »
A quoi le PACBI répond en substance : vous ne pouvez pas faire un bras d’honneur au boycott, transgresser notre appel à boycotter et vous refaire une façade de solidarité en agitant notre drapeau que vous avez piétiné en vous rendant complices de cette opération de blanchiment de l’apartheid.
Quand on est extérieur à une lutte et qu’on veut la soutenir l’axiome de base est qu’au minimum on reprend et soutient les revendications de celles et ceux qui sont en lutte. Ne sont-ils pas les premiers concernés et les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux ?
Aujourd’hui avec ses 172 organisations signataires, le BDS palestinien est le représentant de la société civile palestinienne. Il n’est pas un cadre politique, il n’a pas (pour le moment) de traduction politique en matière de programme ni d’organisation. Mais en matière de solidarité internationale c’est lui qui en fixe le cadre, c’est à dire ses orientations, ses choix de campagnes et ses formes d’actions.
Peut-on concevoir un engagement, une solidarité individuelle ou collective avec la société civile palestinienne qui tournerait le dos à cette réalité ?