Rompre les relations avec Israël. C’est ce que revendique une centaine de signataires issus de la société civile, dont le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) et la Campagne marocaine pour le boycott académique et culturel d’Israël (MACBI). Ils appellent le gouvernement marocain à reconsidérer la normalisation des relations, conformément aux principes de la justice internationale. Sion Assidon, activiste pour la cause palestinienne, nous en dit plus.
Qu’est-ce qui a motivé votre appel au gouvernement marocain pour rompre ses liens avec Israël et revenir sur la normalisation des relations?
Commençons par rappeler que notre Etat entretient, depuis 1961, de manière plus ou moins cachée (avec différents niveaux de secret) des relations avec les occupants de la Palestine, relations qui ont évolué à travers le temps pour englober tous les domaines, et ont concerné le plan du renseignement, les plans militaire, politique, économique, maritime, touristique, culturel, artistique… La normalisation des relations diplomatiques ne fait que donner un aspect ouvert et officiel à ces relations, et encourage leur développement. Une telle normalisation a eu lieu deux fois, la dernière depuis le 10 décembre 2020, avec cette particularité que, cette fois, elle a été le prélude à contracter avec les occupants de la Palestine une alliance militaire inédite jusque-là.
Ce cours des choses contredit totalement l’unité de destin des deux peuples que traduisent les aspirations de notre peuple et sa solidarité séculaire profonde avec le peuple palestinien dans sa lutte anticoloniale pour sa libération de l’occupation et de l’Apartheid sionistes et pour son indépendance. Pour les initiateurs de cette pétition, une motivation supplémentaire est dans l’aggravation de la situation du peuple palestinien suite à l’arrivée au pouvoir autour de Netanyahu d’un gouvernement fasciste de colons.
Comment évaluez-vous la politique officielle du Maroc avec Israël?
Elle mène tout droit à une impasse. Les expériences précédentes de l’Egypte et de la Jordanie montrent qu’il n’y a rien à attendre d’une collaboration avec un Etat colonial dont la logique est celle du pillage des ressources et de l’encouragement des divisions et des conflits locaux.
Quelles sont les actions concrètes que le gouvernement marocain pourrait entreprendre pour répondre à vos aspirations?
Nos aspirations ne diffèrent pas de celles des Palestiniens. Ce que nous avons demandé, c’est que le gouvernement réponde à l’appel lancé le 25 Janvier de cette année par la Première Conférence Nationale Palestinienne contre l’Apartheid, conférence qui a réuni autour de l’OLP, seul représentant authentique du peuple palestinien, le ministère de la Justice, BDS, les représentants des associations de la société civile palestinienne et en particulier les associations de droits humains… Cet appel des Palestiniens demande, comme préalable nécessaire pour que le peuple palestinien puisse exercer ses droits nationaux sur sa terre, de contribuer au démantèlement du régime sioniste de colonialisme de peuplement et d’Apartheid. Et cela en pratiquant l’embargo militaire (et non pas l’alliance militaire) et le boycott (et non pas la coopération) dans tous les domaines. L’appel demande spécifiquement aux Etats arabes de refuser toute normalisation.
Comment percevez-vous la situation actuelle en Palestine?
Elle s’est dégradée pour les Palestiniens, suite à la constitution du gouvernement de coalition fasciste de colons autour de Natanyahu. Les appels « Mort aux Arabes » lancés par les fascistes déclarés sont suivis d’effets : les exécutions extra-judiciaires sont devenues plus fréquentes, les projets de démanteler la mosquée d’Al Aqsa sont exposés de plus en plus ouvertement, la Nakba -nettoyage ethnique et colonisation – qui ne s’est jamais arrêtée depuis 1948 – s’accélère des 2 côtés de la ligne verte (1948/1967) aussi bien en Galilée et au Néguev, que dans la vallée du Jourdain et Al Qods. Les colons, sous protection de l’armée et eux-mêmes porteurs d‘armes agressent au quotidien la population civile, détruisent, incendient, blessent et même tuent impunément à une échelle qui ne cesse de s’élever. Contre cela, la résilience palestinienne (assoumoud) et le mouvement de résistance (mouqawama) populaire de masse font face victorieusement, ainsi que des nouvelles formes de résistance armée héroïque de la jeunesse.
Quel impact pourrait avoir une rupture des relations entre le Maroc et Israël sur la région du Moyen-Orient?
Une telle rupture renforcerait l’effet produit par l’initiative de l’Arabie Saoudite de rétablir ses relations avec l’Iran, initiative qui pèse dans le sens de la paix dans la région, et donc isole le régime d’Apartheid sioniste. La sortie du Maroc conforterait cet isolement et l’échec des manoeuvres des occupants de la Palestine pour créer la division, le chaos et les conflits armés locaux.
Israël traverse actuellement une crise politique sans précédent, serait-ce le début de son déclin dans la région?
Cette crise politique traduit des contradictions inhérentes au projet de colonisation de peuplement sioniste, projet qui s’inscrit dans les intérêts du bloc euro-américain dans la région.
Cette crise oppose deux faces du suprématisme raciste juif, pilier idéologique de la colonisation de la Palestine (racisme et colonisation sont dans l’essence même du projet sioniste). Ce suprématisme raciste a nourri et développé un mouvement de masse ouvertement fasciste qui n’a d’autre horizon politique que le nettoyage ethnique et l’expansion coloniale. Ceci d’une part.
D’autre part, le projet sioniste s’inscrit dans l’horizon politique du bloc euro-américain, qui lui fournit le soutien militaire et financier ainsi que le parapluie diplomatique international, toutes choses dont il a besoin pour subsister. Il doit donc présenter nécessairement le masque des valeurs proclamées par ce bloc (« séparation des pouvoirs », « indépendance de la justice »…). Sans d’ailleurs que les porteurs de ce masque « démocratique » soient travaillés par une quelconque préoccupation concernant les Palestiniens – et en ce sens les représentants de cette tendance sont tout aussi racistes, suprématistes et colonialistes que ceux de l’autre.
Cette crise fragilise le projet sioniste. La vitesse de son déclin peut être grandement accélérée par de nombreux facteurs internes et externes à la Palestine, locaux, régionaux et internationaux. La rupture de toute relation avec le régime d’Apartheid en est un…