Un État pour tous : la seule alternative à l’apartheid israélien
Des Palestiniens manifestent en commémoration de la Nakba, le 13 mai (AFP)
La justice et la paix ne pourront être obtenues que dans le contexte d’un seul État démocratique qui inclurait tous ceux qui y habitent et tous les réfugiés rapatriés, au bénéfice de tous.
Haidar Eid – lundi 3 décembre 2018
L’établissement d’un État palestinien souverain, indépendant, sur les frontières de 1967 n’est plus faisable, et c’est largement dû à la politique israélienne d’extension des colonies et du mur de l’apartheid.
Il y a des enseignements à tirer de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Des mesures semblables à celles appliquées contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud sont nécessaires pour mettre fin à la politique génocidaire d’Israël envers les Palestiniens, à la fois en Israël et dans les territoires occupés.
Un système de bantoustans –des villages isolés, appauvris, comme en Afrique du Sud, ne garantit pas une paix totale et durable.
Une alternative qui a lentement gagné du terrain, en particulier après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud et l’élection du premier président noir en 1994, est l’établissement d’un État laïque et démocratique dans la Palestine historique – un État de tous ses citoyens, sans distinction de religion, de race ou de genre.
Abolition de l’apartheid
Ce qui dépasse l’entendement est la façon dont certains intellectuels laïques et progressistes mettent en garde contre une telle solution.
À la différence des accords d’Oslo signés en 1993 entre le gouvernement d’Israël apartheid et la direction de l’Organisation de Libération de la Palestine, cette alternative garantit une solution à long terme, au sens où les deux populations – celle d’origine et les colons – seraient assurées d’avoir des droits égaux et qu’il leur serait permis de coexister sur la base de la citoyenneté. L’égalité totale serait garantie par l’abolition de l’apartheid, des bantoustans et de la séparation en Palestine.
Cette solution alternative devrait être encouragée par les progressistes et les gens de gauche et par ceux qui ont été engagés dans des actions anti-apartheid. Si le monde a appris quelque chose de l’expérience sud africaine, c’est que la race, l’ethnicité et la religion ne devraient pas être les seuls déterminants de la citoyenneté et que la séparation ne garantit pas la sécurité telle que définie par la partie au pouvoir, en l’occurrence Israël.
Les premiers à appeler à cette solution ont été les Palestiniens qui voient clairement la complexité de leur réalité et qui reconnaissent qu’un État palestinien dans une partie de la Cisjordanie et dans la bande de Gaza, même dans le meilleur des cas, pourrait difficilement représenter une solution complète au problème palestinien. Cela contribuerait plutôt à une solution pour les seuls Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza – soit pour 35% environ du peuple palestinien.
« Des communautés imaginées »
Une telle évolution conduirait nécessairement à une fragmentation permanente de la collectivité palestinienne et à la perpétuation des problèmes des nombreux Palestiniens vivant en dehors de cet État limité. Comme l’a montré l’historien Benedict Anderson, toutes les nations sont des « communautés imaginées » et des frontières peuvent être tracées pour intégrer et exclure n’importe quel nombre d’individus, aussi bien entre des entités géopolitiques qu’en leur sein.
La combinaison d’une vision politique et de mesures pratiques sur divers fronts – la Cisjordanie et Gaza, la Palestine de 1948, le monde arabe, et la communauté de solidarité internationale – est un prérequis pour la matérialisation de quelque solution que ce soit. Mais, grâce aux accords d’Oslo, nous avons atteint une impasse : un bantoustan ou rien.
Des immeubles du camp de réfugiés de Shuafat sont entourés par le mur de séparation israélien, 30 janvier (AFP)
Une troisième voie est néanmoins disponible. Il est grand temps pour les Palestiniens de commencer à s’écarter de solutions racistes qui ne répondent pas à leur droit inaliénable à l’autodétermination, comme la solution à deux États
Tandis que plus de gens reconnaissent la futilité – pour ne pas dire l’absurdité – de tenter la partition de la Palestine, il est urgent d’avoir une nouvelle perspective de décolonisation et de justice dans la Palestine historique. Cette vision doit être vouée à la lutte pour les droits des Palestiniens stipulés internationalement ; elle doit être humaniste et authentique dans sa tentative d’apporter une solution juste à la question de la Palestine.
Les droits des Palestiniens ne seront jamais atteints hors du cadre d’un État unitaire offrant l’égalité à tous ses citoyens. C’est la seule voie pour aller de l’avant.
Les enseignements de l’Afrique du Sud
De plus en plus de Palestiniens se mettent à croire que la solution à un État est la seule option viable pour une paix totale au Moyen Orient.
La justice et la paix ne peuvent être obtenues que dans le contexte d’un État unique et démocratique incluant tous les habitants actuels de la Palestine historique – après le retour des réfugiés palestiniens, sans distinction de race, d’ethnicité ni de religion.
Comment cela peut-il se produire ? La mise en œuvre d’actions non violentes, dont la mobilisation de masse et une campagne mondiale de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël apartheid reconnaisse le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’établissement d’un État démocratique dans la Palestine mandataire – un État de tous ses citoyens.
Le Dr Haidar Eid est professeur associé de littérature anglaise à l‘Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza.
Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduction SF pour Campagne BDS France Montpellier