Vers la fin des jumelages avec les villes israéliennes ?


À l’initiative d’Urgence Palestine Marseille, une rencontre nationale a inauguré samedi 7 décembre la Coalition Stop Jumelages, contre la complicité avec le génocide en Palestine – campagne pour la rupture des jumelages avec les villes coloniales. Des représentants des collectifs de Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nice, Nîmes, Montpellier, Perpignan, Toulouse étaient présents. Mais aussi des membres du collectif d’Ixelles, une des 19 communes de Bruxelles, et un soutien de Barcelone.

La coalition de Stop jumelages vise entre autres à renforcer la solidarité avec le peuple palestinien et soutenir la mise en œuvre de politiques locales non collaboratives avec les institutions israéliennes. Une mise en lien utile pour de nombreux collectifs pour structurer les mobilisations et renforcer les stratégies. Cette journée était l’occasion d’échanger sur les pratiques, les réflexions, les obstacles rencontrés mais aussi de confirmer la volonté de s’unir pour renforcer la mobilisation pour le dé-jumelage car « lutter contre un génocide c’est aussi lutter contre les complices du génocide » rappelait un participant à cette journée.

Pourquoi dé-jumeler ? Qu’est-ce que cela implique pour les villes françaises ? Une des illustrations les plus fortes de ce que signifie le jumelage était racontée par les militants venus de Montpellier.

En juin passé, la ville organisait la 47e édition de « la Journée de Jérusalem, ou Yom Yerushalayim » , une fête nationale israélienne célébrant la réunification de Jérusalem lors de la guerre des Six Jours en juin 1967. La municipalité organise également, chaque année en juin, une récolte de fonds pour l’armée de l’air israélienne racontaient les militants venus de Montpellier. « Le recrutement de soldats franco-israéliens se fait à travers la politique de jumelage » dénonçait José Luis Morages. Ce dernier notait que cette politique pro-Israël dans la ville du sud a été grandement construite à travers l’investissement de « l’ancien maire PS George Frêche. Il a mis dans toutes les instances régionales des sionistes qui servent les intérêts israéliens ».

Pierre Stambul de l’union des Juifs français pour la paix (UJFP) notait en juin 2023, qu’il « est pour le moins surprenant que les autorités municipales ignorent à ce point le droit international. L’occupation et la colonisation des territoires conquis par Israël en 1967 est illégale. La résolution 242 de l’ONU, votée il y a 56 ans, exige le retrait des territoires palestiniens occupés. L’annexion de Jérusalem-Est, dont la superficie a été considérablement agrandie, est tout aussi illégale. Et l’installation de 800 000 colons au-delà de la « ligne verte », la frontière internationalement reconnue, constitue un crime de guerre. L’appel à cette manifestation fait référence à l’archéologie. Celle-ci dit pourtant que les épisodes de la Bible sur le royaume unifié de David et Salomon, sont largement légendaires. »

Actuellement, « toutes les semaines, des militants pour la Palestine reçoivent des convocations policières » s’alarmaient les militants venus de Montpellier. La mairie interdisait déjà en mai 2022 une conférence présentée par Jean-Claude Samouiller, vice-président d’Amnesty international France, pour parler d’un rapport sur l’apartheid israélien.

Les militants de Lyon ont un double objectif, dé-jumeler Lyon et Beersheva mais aussi Villeurbanne et Bat Yam. Gérard Collomb, longtemps maire de Lyon avant d’être ministre de Macron, expliquait lors d’une visite en Israël qu’ « un jumelage dynamique n’a de sens que s’il entraîne avec lui les entreprises et les institutions des villes ». Le sénateur-maire de Lyon, avait emmené avec lui une délégation d’une vingtaine de chefs d’entreprises et d’universitaires en Israël.

Bordeaux est jumelée avec Hashdod. Les Bordelais présents à Marseille rappellent dans leur pétition que cette ville « a été construite sur les ruines du village palestinien d’Isdud, rasé en 1948 par les forces sionistes, et dont les 4000 habitants palestiniens ont été chassés et ont trouvé refuge à Gaza ». Ils utilisent les décisions de la CPI pour donner de la force à leurs arguments, « alors que la ville collabore avec des criminels de guerre ». « Nous ne sommes jamais autorisés à manifester devant l’hôtel de ville mais le maire se rend aux dîners du CRIF » pointait un représentant de Bordeaux.

Venu d’Ixelles pour parler de la mobilisation dans la capitale, Mohad, cofondateur de Bruxelles Panther, vit à Ixelles, est actif dans la campagne de dé-jumelage d’Ixelles avec Megiddo. D’emblée, une nécessité, mettre en avant la nécessité de se mettre en ordre avec la justice internationale, « on a utilisé des arguments de droit international, on met en avant ce que dit la loi ». Malika, venue de Bruxelles également, soulignait l’importance de se réunir sur une revendication commune, sans forcément partager des opinions plus larges politiquement. Tous deux rappelaient que la prison de Megiddo détient Marwan Bargouti, une prison connue comme centre de tortures où de nombreux enfants sont incarcérés ! L’ONG israélienne B’Tselem a publié des témoignages sur les enfants violés dans la prison, 12 députés palestiniens sont également détenus dans cette prison.

Quels modes d’actions pour arriver à une suspension à durée indéterminée de ce jumelage ? LE collectif d’Ixelles était présent devant la commune tous les jeudis face au Conseil communal. Avec le soutien des étudiants, « car Ixelles est la commune des grandes universités VUB et ULB ». Les membres du collectif ixellois se montrent déterminés ne pas se faire avoir pas des fausses victoire. Et avancent la volonté de poursuivre cette lutte à Anvers, également jumelée à Megiddo, quand la rupture totale sera décidée à Ixelles. Autres motifs qui rendent d’autant plus important le de mettre fin au jumelage avec Megiddo, elle possède un aéroport militaire.

Les personnes venues de Nice, jumelée avec Netanya, faisaient part de leur satisfaction de ce rassemblement car « militer dans cette ville de droite est très dur, avec une pression très importante contre les défenseurs des droits des Palestiniens ». Ils pointaient le besoin de contrôler les finances publiques alors que des dépenses peuvent être faites pour des projets contraires aux droits humains, tels que l’organisation de salons immobiliers mettant en vente des appartements sur les terres palestiniennes.

Du côté de Nîmes, des membres de France Palestine solidarité s’activent contre le jumelage avec Rishon Le Zion, avec laquelle la ville de Nîmes est jumelée depuis 1986. En mars 2023, ils ont écrit au maire de Nîmes, s’inspirant de Barcelone, invoquant la responsabilité du droit international. Comme à Ixelles, une pétition avec beaucoup de signatures papiers était mise en place pour compléter la pétition initiée sur change.org. Même rengaine à Nîmes qu’à Nice, « très reconnaissants envers l’organisation de cette journée à Marseille, car on ose même plus revendiquer le droit, tellement la pression est forte ! Une plainte a été déposée par un député Rassemblement National contre des associations, pas forcément révolutionnaires telles que la Ligue des Droits de l’Homme, pour apologie du terrorisme ».

Dans le Sud-Ouest, à Toulouse, ce sont des membres de Palestine Vaincradont la pétition a inspiré Urgence Palestine Marseille, qui s’engagent dans la mobilisation pour le dé-jumelage. Toulouse est jumelée avec Tel Aviv depuis 1962. Un rassemblement, contenant une trentaine d’organisations, exige depuis plusieurs années le dé-jumelage expliquant que « mettre fin à cette coopération, c’est dénoncer la politique du gouvernement d’extrême droite israélien ainsi que le régime d’apartheid israélien ». Pour sensibiliser, ils systématisent le sujet du jumelage à travers des chants dans les manifestations, des réactions écrites à l’actualité de Tel Aviv, notamment en sollicitant des Palestiniens et Israéliens pour parler du greenwashing de Tel Aviv. « Il n’y a aucun panneau à l’entrée de la ville qui dit jumelée avec Tel Aviv » faisait remarquer Tom, un indice du manque d’aisance de la mairie avec ce jumelage ?

Urgence Palestine Grenoble, dont la ville est jumelée avec Rehovot en 1984, a organisé des actions aux conseils municipaux et des rencontres avec des élus. « Nous avons approché le maire, les policiers sont vite arrivés pour nous expulser » ! Le collectif vient de créer Blouses blanches pour Gaza et compte interpeler directement le maire en tant que président du CHU.

La ville de Perpignan est jumelée avec Maalot Tarshiha depuis 1998. Le maire actuel est Louis Alliot du Rassemblement National, un membre du collectif rappelait que « l’extrême droite soutient Israël car c’est du colonialisme, tout simplement ».

Marseille est jumelée avec Haïfa depuis 1958. Le collectif pour le déjumelage a initié des pétitions, des brochures et des vidéos de sensibilisation. Pas encore assez pour convaincre le maire apparemment. En vue d’unir les forces, ils ont initié ce travail avec d’autres villes françaises jumelées avec des villes israéliennes pour sensibiliser sur le sujet. En prenant notamment l’objectif des municipales, prévues en France en 2026, pour élargir les soutiens et porter cette question dans les débats publics. Le collectif Urgence Palestine refuse que leur ville continue d’être jumelée avec ce port du nord d’Israël qui joue un rôle stratégique pour l’approvisionnement de l’armée israélienne. « Un maillon essentiel du processus génocidaire » car c’est la ville d’Haïfa qui fait transiter les armes pour les attaques sur Gaza mais aussi pour soutenir les colons en Cisjordanie. Elle dispose également d’un centre de recherche et de développement dans le domaine militaire.

Le collectif de Marseille ne cache pas sa déception d’avoir été reçu plusieurs fois par la mairie qui n’accepte pas le vocabulaire utilisé, parler de génocide serait donc interdit. Notons que des étudiants se mobilisent également à Aix-en-Provence, jumelée à la fois avec Balbeek au Liban, qui subit les bombardements israéliens, et Ashkelon en Israël. Les étudiants interpellent la mairie aux conseils municipaux, sans être écoutés jusqu’à présent.

Un Irlandais habitant Marseille portait le soutien d’Ireland Palestine Solidarity Campaign, plus grande campagne de solidarité pour la Palestine en Irlande. Il faisait remarquer le puissant mouvement de solidarité dans son pays, la mobilisation ayant notamment réussi à faire reconnaître l’État de Palestine. « Aucune ville en Irlande n’est jumelée avec une ville israélienne, au contraire Dublin est jumelée avec Ramallah depuis 2023 ».

 

Source : investig’Action

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