Une analyse d’Omar Barghouti
Depuis l’ascension du président au pouvoir, le gouvernement d’Israël est ivre de puissance et d’impunité. Il a laissé tomber son fragile masque de soutien à la solution à deux États, agissant à une vitesse vertigineuse pour construire autant de colonies que possible sur le territoire palestinien occupé.
Lorsque le président Donald Trump recevra, à la Maison Blanche plus tard dans la journée, son plus fervent admirateur le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, de nombreux Palestiniens seront profondément inquiets. Le gouvernement israélien d’extrême droite espère obtenir – en remerciement de son étreinte passionnée avec Trump – un feu vert sans équivoque pour construire encore plus de colonies.
« S’ils ont détruit au bulldozer des communautés entières de Palestiniens en Israël déjà avant cette réunion », m’a récemment demandé une collègue bédouine-palestinienne, « à quoi devrions-nous nous attendre après la réunion ? »
Elle faisait référence à la récente destruction par Israël de la majeure partie de Umm al-Hiran – village bédouin du Negev dont les résidents sont des citoyens palestiniens d’Israël – pour construire sur ses ruines une colonie réservée aux seuls Juifs. Les forces israéliennes n’ont donné aux familles palestiniennes pour ainsi dire aucun avis pour qu’elles rassemblent leur meubles, photos, livres ou jouets des enfants avant de détruire au bulldozer leurs maisons et ce qui faisait leur vie.
Loin d’être une exception, Umm al-Hiran est la norme. Depuis l’ascension de Trump au pouvoir, le gouvernement d’Israël est ivre de puissance et d’impunité. Il a laissé tomber son fragile masque de soutien à la dite solution à deux États, agissant à une vitesse vertigineuse pour construire autant de colonies que possible sur le territoire palestinien occupé.
Le ministre israélien de l’Éducation Naftali Bennett a déclaré que la victoire de Trump offrait « une formidable opportunité à Israël » pour annoncer que « l’ère de l’État de Palestine était dépassée ». Sur le terrain, le parlement israélien n’a pas fait qu’ignorer la récente résolution de l’ONU qui redit l’illégalité flagrante de toutes les colonies israéliennes ; il a également voté une loi qui légalise rétroactivement les colonies construites sur les terres confisquées à des propriétaires privés palestiniens.
La sénatrice américaine Dianne Feinstein, fervente supportrice d’Israël, a dénoncé cette loi en tant qu’accaparement « brutal » de terres, tandis que le président d’Israël, Reuven Rivlin, a prévenu que cette loi pouvait faire qu’Israël « soit vu comme un État d’apartheid ».
Je ne prends pas à la légère la perspective d’une évolution d’Israël vers une droite encore plus extrême et irrationnelle, en tandem avec Trump. En tant que défenseur des droits de l’Homme, j’ai été confronté à une interdiction de voyager de la part d’Israël et à des menaces « d’élimination civile ciblée » – euphémisme pour assassinat civil – pour mon rôle dans le mouvement conduit par les Palestiniens de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). La répression et la guerre législative menées par Israël contre notre mouvement non-violent vont devenir encore plus affreuses sous l’ère Trump.
Les graves défis qui nous attendent sont entremêlés. Trump et son équipe se sont servis de la politique et des lois discriminatoires israéliennes pour justifier leur propre mur, la ferveur anti-immigrants et anti-réfugiés et le profilage ethnique aux États-Unis.
Netanyahu a soutenu les projets de Trump de construction d’un mur encore plus large à la frontière avec le Mexique et s’est vanté de ce que le propre mur d’Israël, déclaré illégal en 2004 par la Cour Internationale de Justice parce que largement construit sur les terres palestiniennes occupées, a été un franc succès. Le Mexique et les communautés d’immigrants aux États-Unis ont, sans surprise, mal pris la chose.
Cependant, juste au moment où les Américains utilisent la tactique, consacrée par l’usage, du boycott pour contrer le programme raciste de Trump – avec des artistes et des gens de la mode – nous Palestiniens et nos défenseurs à travers le monde continuerons à utiliser les mêmes tactiques pour faire pression sur Israël pour qu’il mette fin à son déni des droits fondamentaux des Palestiniens.
Dans les faits, quatre éminents joueurs de la NFL – Michael Bennett des Faucons de Seattle, Kenny Stills des Dauphins de Miami, Justin Forsett des Chevaux Sauvages de Denver et Martellus Bennett des Patriotes de Nouvelle Angleterre – ont choisi de refuser un voyage de propagande sponsorisé par le gouvernement israélien, certains refusant explicitement d’être « utilisés » pour blanchir le système israélien fondé sur l’injustice.
Déjà en 2014, un vote avait montré que presque la moitié des hommes juifs-américains non orthodoxes de moins de 40 ans soutenaient le boycott d’Israël pour qu’il mette fin à l’occupation. Selon un rapport de fin 2016 de l’Institution Brookings, 46 % des Américains, et 60 % des Démocrates, approuvent que l’on impose des sanctions ou que l’on prenne des mesures plus dures contre Israël pour qu’il arrête sa colonisation illégale.
Et ce n’est que le début. Alors qu’Israël devient plus ouvertement associé à l’extrême droite en expansion dans le monde, particulièrement aux États-Unis et en Europe, et alors qu’il est plus largement considéré comme faisant partie des « États ethniques belliqueusement intolérants et conduits par leur foi », davantage de gens, de mouvements populaires et d’institutions progressistes ressentiront comme un impératif moral de se joindre à des efforts tels que BDS comme la forme la plus efficace de solidarité avec les droits des Palestiniens et comme une des facettes de la résistance mondiale croissante à l’extrême droite.
Omar Barghouti est un Palestinien défenseur des droits de l’Homme et cofondateur du mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens. Il est un fondateur du Comité National BDS palestinien (BNC), la plus grande coalition de la société civile palestinienne.
Source: The Independent
Traduction : J. Ch. pour BDS France